La réforme de la Constitution promise par Macron ne verra sans doute pas le jour avant janvier 2019, ou à la saint-glinglin. Pourtant, elle a déjà pris son envol lors du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019. Les députés ont été priés de faire comme si. L’article 7 de la réforme stipule en effet que « les projets de loi de financement de la Sécurité sociale et de finances (jusqu’ici séparés) [pouvaient] être examinés conjointement » par le Parlement. Pour l’opposition et certains syndicats, ces quelques mots annoncent l’annexion du budget de la Sécu par celui de l’Etat.
Sans attendre, quelques fouineurs ont déniché dans le projet de loi un tableau de chiffres retraçant les projections comptables pour chaque branche. Dans les trois années suivant 2019, le résultat de l’exercice tient à trois chiffres : 0,00. C’est-à-dire ni trou ni bénéfice. Un « ex—patron de la Sécu reformule : « Dorénavant, la Sécurité sociale n’affichera pas d’excédents, car ils seront versés en amont à l’Etat. » Les commentaires du gouvernement figurant en annexe de la loi a propos des prestations familiales sont d’ailleurs assez clairs : « Le solde de la branche restera équilibré, après prise en compte des transferts à l’Etat. »
Caisses de traite
Mais, pour qu’il y ait siphonnage — pardon, transferts —, encore faut-il qu’il y ait bénefs. Dans ce domaine, c’est la fête assurée : les allocations familiales, l’allocation personnalisée au logement et sept autres allocs (dont celles destinées aux personnes âgées et aux veuves) seront augmentées de 0,3 % seulement, soit beaucoup moins que le coût de la vie. Idem pour les retraités du régime général, dont la pension est « désindexée » de l’inflation. Au total, 6 milliards s’envoleront en 2019 du bas de laine des caisses sociales au profit de Bercy.
Avant même l’intégration totale au budget de l’Etat, les ponctions vont commencer par la fin des compensations. Depuis 1994, la loi imposait au gouvernement de reverser aux caisses de Sécurité sociale le manque à gagner résultant des allégements de cotisations patronales. C’est fini : les articles 5 et 7 stipulent que les allégements décidés par le gouvernement s’effectueront désormais sur le dos de la Sécu, et ce dès le rétablissement de l’exonération des cotisations pour les heures supplémentaires. Ces allégements représentent aujourd’hui une cinquantaine de milliards par an.
La Sécu est en passe de devenir l’une des plus belles vaches à lait de la République.
Dans le Canard enchaîné du mercredi 31 octobre 2018.