Adressée, le 15 mars, à la garde des Sceaux, la lettre du premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, propose de transformer de fond en comble l’honorable institution. Il s’agit, explique « le Premier » dans son courrier, d’instituer un « filtrage des pourvois », à la discrétion des magistrats eux-mêmes. Le tri se ferait en fonction de « critères (…) fondés sur l’intérêt que présente une affaire pour le développement du droit » ou « lorsque est en cause une atteinte grave à un droit fondamental ».
Autrement dit, si, pour les juges, l’affaire ne présente aucun de ces hauts intérêts pour le Droit avec un grand « D », c’est plié. Les justiciables pourront remballer leurs minables requêtes contre des décisions mal fichues, aberrantes ou illégales (oui, ça existe !). Les juges choisissent leurs affaires comme le font ceux de la très chic Cour suprême, aux USA. Quel rêve !
M. le Premier président suggérait à la ministre de la Justice que ce bouleversement soit « intégré au projet de loi de programmation de la Justice en cours d’élaboration ». Hélas, ça n’a pas marché… Le refus de la Chancellerie a pu s’appuyer sur un avis du Conseil constitutionnel que Bertrand Louvel fait semblant d’ignorer, Le Conseil a en effet jugé que le pourvoi en cassation « constitue une garantie fondamentale ». Pas moins.
En tout cas, les questions du « Canard » ont tant déplu aux hautes hermines qu’elles ont reproché à Louis Boré, le président de l’Ordre des avocats, les « informations données par des avocats à ce journal… ». Le secret des sources serait-il déjà écarté des affaires dignes de l’« intérêt » de la Cour de cassation et de ces messieurs ?
Dans le Canard enchaîné du 28 mars 2018.