Par un arrêté passé inaperçu (« Journal officiel », 17/11), Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, vient de confier à un algorithme la surveillance de tous les contribuables français. Un programme intelligent, baptisé « modélisation prédictive des fraudes fiscales », censé détecter automatiquement les profils de resquilleurs.
Pendant deux ans — et d’abord à titre expérimental —, CFVR (pour « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ») va brasser, dans le dos des contribuables, des centaines de milliers de données les concernant, « à la recherche d’atypies (sic) ». Une sorte de délit de faciès fiscal.
Une vingtaine de fichiers de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) seront ainsi passés au tamis : impôt sur les revenus, comptes bancaires, taxe d’habitation, données patrimoniales, contrats de capitalisation et d’assurance-vie, tout y passera.
Comme c’est encore un peu maigre, le logiciel croisera aussi les données appartenant à « d’autres administrations, nationales et étrangères », et à « des organismes sociaux ». Et, poire pour la soif, il avalera également « des données provenant de bases privées », prévient l’arrêté, sans plus de précisions.
Sollicitée par « Le Canard », la DGFIP n’a rien révélé des superpouvoirs de son algorithme. Silence radio, aussi, du côté de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui a donné son
feu vert sans moufter.C’est une habitude de la maison.
La CNIL a émis des réserves et des réclamations. Voir : Fraude fiscale : Bercy va utiliser du « data mining » pour cibler les particuliers.
Dans le Canard enchaîné du 27 décembre 2017.