Une majorité d’eurodéputés devrait refuser, mercredi à Strasbourg, d’envoyer le traité de libre-échange avec le Canada devant la Cour de justice de l’UE. Une alerte pour les opposants au CETA, avant le vote en décembre.
De notre envoyé spécial à Bruxelles. - Après l’épisode « wallon » qui avait failli l’enterrer, le traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) fait son entrée au parlement européen. Quelque 89 eurodéputés issus de cinq groupes politiques différents – à gauche, mais pas seulement – ont signé une ébauche de résolution, qui propose de consulter la Cour de justice de l’UE, parce qu’« il existe une incertitude juridique quant à la compatibilité de l’accord envisagé avec les traités ».
Si la résolution était adoptée, ce mercredi midi à Strasbourg, cela suspendrait d’un coup le processus de ratification. Il faudrait alors attendre l’avis de la cour – cela peut prendre jusqu’à deux ans – avant d’organiser un vote au parlement européen. Ce qui retarderait d’autant l’entrée en vigueur provisoire du CETA, censée intervenir dans la foulée du feu vert à Strasbourg (c'est-à-dire avant la ratification par les parlements nationaux).
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Le premier groupe politique du parlement (le PPE, à droite, dont LR), devrait par exemple voter contre, en bloc.
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Portée depuis des mois par l’ONG ClientEarth, l’idée d’une saisine de la Cour de justice sur le CETA est aujourd’hui soutenue par les groupes des Verts (dont EELV) et la Gauche unitaire européenne (dont le PC et le PG), mais aussi par une partie – qui semblait minoritaire, à la veille du vote – des sociaux-démocrates (dont les 13 élus du PS français). Parmi les 89 premiers signataires de départ, on trouve également deux élues du groupe des libéraux (mais pas de Français pour l'instant), et quelques membres du groupe ELDD (dont le Mouvement 5 Étoiles italien).
Le point décisif, comme souvent pour ce genre de vote clé, sera le comportement des sociaux-démocrates, les S&D. Et encore une fois, ils sont divisés, entre une aile plutôt encline à soutenir la
résolution (dont les Français, les Belges, quelques Britanniques) et les autres (majoritaires, pressés de ratifier avec le CETA, à l’instar du Britannique David Martin ou du président du parlement Martin Schulz).[...] Ce dernier fait référence à la décision, la semaine dernière, de la conférence des présidents – où siègent les présidents des groupes politiques, et le président du parlement Martin Schulz –, de ne pas organiser de débat, en amont du vote de mercredi. « Après avoir entretenu l’opacité sur les négociations du CETA pendant des mois, le PS [en fait, le groupe social-démocrate, sans les socialistes français – ndlr] et la droite veulent désormais bâillonner le parlement européen », s’est récrié l’eurodéputé Jean-Luc Mélenchon.
Plus gênant encore, cette même conférence des présidents a choisi de supprimer les votes sur le CETA dans les commissions spécialisées sur l’emploi ou l’environnement, en amont du vote en séance plénière. Motif officiel : il s’agit de gagner du temps, pour organiser un vote en plénière sur le CETA dès la mi-décembre, afin de tenir les engagements pris auprès des Canadiens. Mais dans les faits, les plus remontés remarquent que les votes sur le CETA ont été supprimés dans les commissions a priori les plus critiques sur le texte, tandis qu’ils sont bien maintenus dans les commissions les plus favorables (celles du commerce international et des affaires étrangères).
Les pro-CETA répondront que la conférence des présidents s'est focalisée sur les grandes lignes du texte et que donc l'argument "pour aller plus vite" est recevable. Beurk ! :(
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Alors que le parlement européen dispose de six mois pour se prononcer sur le CETA, il pourrait le faire en moins de deux mois. Un vote sur le fond du traité est prévu le 5 décembre en commission du commerce international, suivi d'un vote en plénière dès la mi-décembre... En cas de feu vert, le CETA pourrait entrer en vigueur, de manière provisoire, dès le mois de mars 2017 – au plus tard.
En cas de rejet de la résolution mercredi, la Cour de justice devrait tout de même être saisie sur le CETA... par les Belges. C'est en effet l'un des principaux points de ce que la presse avait appelé « l'accord intra-belge » négocié fin octobre pour sortir de la crise avec la Wallonie. Il n'y a qu'une seule différence, de taille : la saisine belge, elle, ne suspendra pas l’entrée en vigueur provisoire du CETA (à l'inverse d'une saisine du parlement européen).