Le cirque autour de l'usage de l'article 40 de la Constitution pour empêcher l'examen parlementaire de la proposition de loi visant à restaurer l'âge de départ à la retraite à 62 ans me fait rire jaune.
Dans son édition du jour, le CoinCoin rapporte la pleurnicherie du député macroniste Jean-René Cazeneuve :
Coquerel fait passer ses convictions politiques avant le respect de la Constitution. C'est du jamais-vu et c'est gravissime. On se retrouve dans la situation paradoxale où l'Assemblée nationale ne parvient pas à faire respecter en son sein la Constitution.
Hahaha, aucun député n'a jamais fait passer des convictions avant le reste hahaha, excellente blague.
Les députés qui se torchent avec la Constitution, c'est un grand classique :
- La proposition de loi Avia contre la haine en ligne de 2019 a été intégralement censurée par le Conseil constitutionnel. Il n'en reste qu'un Parquet spécialisé et un observatoire ;
- Dans la réforme des délais de prescription pénale de 2017, il était question de différencier le délai de prescription des délits de presse simples selon qu'ils étaient commis sur Internet ou non. Le Conseil constitu avait déjà dit non 13 ans plus tôt. Le rapporteur de la loi, que j'avais eu au téléphone, s'en moquait : il dealeait ce délai en échange de celui des délits financiers dissimulés, les mécontents pourraient saisir le Conseil via le mécanisme de QPC donc c'était pas grave, point barre ;
- Le Conseil constitu a retoqué environ 20 % de la loi égalité et citoyenneté de 2016. Motif ? Cavaliers législatifs, c'est-à-dire des articles sans lien direct avec l'esprit initial du texte. Il s'agit du cœur du travail parlementaire, que de saisir l'objet d'un texte, pas d'une subtilité juridique. Là encore, j'avais contacté plusieurs députés (leurs assistants parlementaires, en vrai), et tous étaient unanimes : "on s'en fout, c'est le boulot du Conseil constitu, pas le nôtre" ;
- Tous les projets de loi que j'ai suivis contenaient des cavaliers législatifs : Sécurité globale 2021, Sapin 2, Réforme pénale 2016, etc.
Bref, arrêtons le cirque. Le respect de la Constitution a toujours été à géométrie variable.