Afin de donner une idée de l'ampleur du désastre, 55 études ont été compilées pour examiner le ressenti d'élèves entre 1990 et 2015, dans 10 pays différents dont 3 européens. Deux écueils semblent les plus répandus :
1/ Le contexte, qui reste celui de la classe froide, magistrale, scientifique – en décalage complet avec les émotions et les besoins d'intimité et de personnalisation des élèves. En gros : beaucoup trop d'hormones + de malaise + de vécu + de fantasmes dans une même pièce.
De même que les enfants n'ont pas super envie que leurs parents leur enseignent la sexualité, ils ressentent de l'inconfort quand c'est le professeur qui s'en charge. Il faudrait apparemment qu'il s'agisse d'intervenants extérieurs et qui repartiront – comme ça, impossible de croiser tous les jours dans le couloir quelqu'un à qui on a demandé conseil côté sodomie.
2/ Une éducation sexuelle refusant de reconnaître que les élèves ont déjà soit une expérience de la sexualité, soit un contact avec une imagerie sexuelle. [...]
A quoi on ajoutera les éléphants invisibles dans le magasin de porcelaine : le désir, le plaisir, notamment le plaisir féminin, le consentement, l'homosexualité. [...]
Face à l'impossibilité de mettre des moyens pareils en place, je ne vois que la solution de l'enseignement à (proche) distance : une appli sur le téléphone portable, accessible sur mot de passe uniquement, avec des FAQ bien remplies et éventuellement des conseillers. Ou la version classique : la brochure à cacher dans son sac à dos, complète, précise, et donnant accès à d'autres brochures plus détaillées disponibles discrètement dans les toilettes ou à l'infirmerie de l'école (on peut ainsi mentionner le sexe anal, et proposer à ceux/celles qui veulent tester de consulter une autre brochure plus détaillée, sans offenser les élèves qui pourraient se bloquer rien qu'en entendant prononcer le mot).
Je plussoie ces 4 points mais ça va au-delà de ça, àmha. Dans mes souvenirs, les cours de SVT du collège sont focalisés sur la prévention, durant deux ans (4e et 3e). Ensuite, t'arrives au lycée et là, on t'explique la procréation en détail avec les hormones, etc. sauf que… le corps masculin n'est pas évoqué, tout est centré sur le corps féminin. Du coup, j'y vois deux problèmes :
Du coup, àmha, il faut repenser les cours d'éduc' sexuelle, autant sur le fond (ce que ne dit pas vraiment cet article) que sur la forme. Voir que rien n'a évolué depuis ma scolarité, ça me fait quand même chier.
Je me souviens également que la partie prévention a été conduite d'une manière fort maladroite genre diffusion d'un spot vidéo de quelques minutes dans lequel le mec ne veut pas le préservatif, la fille si et finalement, elle change d'avis et… fin. Bon, je passe sur l'aspect bidon du comique de répétition "non, pas capote, si, non, si". Àmha, ce genre de vidéos est extrêmement problèmatique car elle fait exclusivement porter la responsabilité sur la fille ("quelle salope ! c'est tout de sa faute aussi, elle a accepté !"). Très biblique comme démonstration.
Le reste de la séance est parti en dérapage complet. Pourtant, y'a eu un élève qui a évoqué l'homosexualité. Peut-être pour faire rire, je ne m'en souviens plus, mais peu importe, c'était une perche tendue… … … que l'intervenante à totalement loupée : tout au plus a-t-elle confirmée que oui, ça existe, c'est possible ! Forcément, avec des réponses aussi froides, la suite ça a été de causer de zoophilie & co et, aujourd'hui, je me permets de penser que c'était uniquement pour faire chier l'intervenante.
Je voudrais acquiescer l'idée des brochures avec du vécu. Un jour, ma mère a récupéré un petit livret dédié à la sexualité sur un distributeur à la CPAM. Elle l'avait posé sur la pile où la famille accumulait les trucs "à lire mais rien d'urgent/administratif" genre des prospectus divers et variés, en gros. C'est un point central de la maison : on peut te voir de partout. Forcément, mon regard a été attiré. Forcément ma mère m'a vu. Forcément, je me suis rétracté en mode "ho non, je n'ai pas ce genre de lectures, namého !". Elle a utilisé les techniques habituelles pour me le refourguer "ça peut être intéressant, drôle, etc.". Forcément, je l'ai lu vite-fait et j'ai trouvé des trucs qui, j'en étais sûr, feraient rire les potos (oui, avec le recul, il n'y a pas de quoi en rire, c'est juste le tabou du sexe à la française qui fait ça). Du coup, je l'ai amené au collège. Et je me souviens que ça a bien pris pendant quelques jours, une fois passé le cap du "ho nan mais l'autre il a besoin de lire ce genre de document, ho le nul, hahahahahaha". Genre ça s'est terminé en une sorte de "questions pour un champion" entre ceux qui avaient lus ce bouquin. Avec le comique de la bande qui; du coup, parce qu'il fait rire, fait imprégner les idées clés dans la tête des gens. Comment toucher 5 personnes avec un livret, joli combo, maman.
Après, faut-il encore que le livret soit bien foutu. Genre celui de la CPAM donnait plein de définitions à des mots donc on était encore dans la froide rigueur scientifique. Il n'y avait quasi rien sur l'identité sexuelle et tant d'autres sujets. Mais, au moins, ça allait plus loin que la bête prévention et ça, c'était cool.
À l'inverse, je vais raconter une très mauvaise idée. Un jour que je naviguais sur le web, à la même période que l'anecdote précédente donc époque collège, 4e-3e, mon père, qui ne sait pas du tout utiliser un ordinateur, débarque et exige que l'on aille sur des sites pornos. Sans explication. Déjà, on fait péter le taux d'anxiété du genre "waaaaaaaaat matter du porn avec mon vieux ?!". Mauvaise idée. Ensuite, on crée une atmosphère qui n'est pas propice au débat puisque forcément, j'ai refusé de m'exécuter, forcément le ton est monté "c'est ça où je vire le modem ADSL", etc. Mauvaise idée. À l'époque, les sites de streaming genre la planète pornhub n'existait pas. C'était l'époque des sites web où t'avais des sites web avec des vignettes, 3 tonnes et pub et la vidéo téléchargeable en échange d'allopass. ;) Bon, t'avais aussi les bons gros fakes sur eMule. ;) Du coup, je tape un mot clé bidon dans google search genre "film x" puisque mon vieux refuse de me donner un mot-clé (sur ce point, je pense qu'il a très bien agi), on tombe sur ce genre de site et, pour chaque vidéo, mon vieux commentait les vignettes : "pfffffff", "c'est nuuuuul", "c'est tout ?!". Au bout de plusieurs vidéos, je finis par piger et lui dire, grognon, "toute façon tu vas dire que tout est nul". Là, il demande à ce que je ferme "tout ça, là" et il m'explique que c'est exactement ça : tout ce qu'on vient de voir est nul, ce n'est pas la réalité. Silence puis je demande en quoi c'est pas le réalité. Réponse totalement débile : la taille des zboubs, les cris et en dernier, "pas de sentiments". Fin de notre échange, il se barre. Réponse pas convaincante : les plans culs, c'est pas censé avoir 3 tonnes de romantisme et de sentiments et pourtant, ça existe, so what? La bande son, oui, sur les vidéos de cette époque, oui, c'était pire que du Dorcel mainstream donc je m'incline. La taille des zboubs, argument nul et non avenu qui m'a longtemps fait me demander si c'était vraiment retouché en post-prod' et comment ça pouvait l'être. Bref, tentative d'expliquer les limites du porn totalement ratée.
À part les brochures, les forums sur le web sont géniaux. Je remercie ceux et celles qui répondent aux questions posées pour la 100000000000000000000000000 fois et aux questions "foutage de gueule". Oui, il y a clairement des jeunes (et peut-être des moins jeunes) qui postent de la merde pour faire rire leurs potos mais je pense qu'il est nécessaire d'y répondre sérieusement comme le font ces gens-là. Pourquoi ? Parce que pour un-e provocateur-rice, y'a plein de jeunes qui liront et apprendront parce qu'ils-elles ne savaient rien (ou pas assez ou pas ceci ou pas cela) de ce qui a été évoqué. C'est une forme de transmission des savoirs comme une autre.
Via SebSauvage, je suppose.