Pour le contexte, voir : http://shaarli.guiguishow.info/?kyvqeA.
Parce que je ne désespère pas (encore) qu'ils comprennent leurs erreurs et qu'ils aient l'humilité nécessaire pour changer leur raisonnement… Que je suis naïf.
Sénateur Richard :
Bonjour,
Je vous écris en tant que citoyen. Je ne représente aucune structure (commerciale ou non).
J'ai lu le compte-rendu de la séance plénière du 07/02 et notamment la partie sur la ppl de réforme de la prescription pénale, ppl à laquelle je m'intéresse depuis ses débuts, car je considère que l'augmentation des délais de prescription est un vrai sujet de société qui nécessite une discussion de fond qui ne devrait pas être limitée aux seul-e-s parlementaires dans le cadre d'une ppl fort discrète.
Durant cette séance, vous avez déclaré : « Reste la question des infractions dites de presse, sur laquelle demeure une certaine confusion puisqu'il ne s'agit plus, en réalité, que des délits d'injure, de diffamation ou d'incitation à la haine commis sur internet par d'autres que des organes de presse. Si le délit est commis par un organe de presse, le délai de droit commun s'applique. ».
Justement, tout le problème est que certaines infractions de presse, comme l'injure et la diffamation, sont systématiquement utilisées comme première ligne de défense, comme diversion, dès la publication du moindre contenu, même si les faits sont avérés et que l'expression est de bonne foi. On le voit avec des journaux tels que Mediapart mais c'est également le cas au niveau citoyen. À titre d'exemple, je vous rappelle la situation vécue par Émilie Colin, citoyenne accusée de diffamation pour avoir publié le prénom+nom des négociateurs français du traité international ACTA. Et elle n'est pas un cas isolé. Systématiquement, ces journaux et ces personnes gagnent en justice, mais doivent en assumer le coût et notamment celui de la fatigue mentale. C'est pour cela que la remise en cause de l'équilibre trouvé dans la loi de 1881 me semble hautement préjudiciable et liberticide.
Sans compter que le délai de droit commun ne s'applique pas à un organe de presse tout numérique comme Médiapart, Reflets.info ou encore Arrêt sur Images. Or, comme l'a très justement exprimé le sénateur Assouline : « Pas moins de 140 entreprises de presse sont sur le net. [...] Aux États-Unis, des organes de presse papier sont déjà passés entièrement au numérique. Cela arrivera aussi en France. ». Cette distinction entre numérique ou non est anachronique.
Non, vous ne participez pas à légiférer exclusivement sur l'injure et la diffamation commises par d'autres que des organes de presse. Cela ne change-t-il pas tout et ne doit-il pas amener le législateur à plus de prudence et de hauteur intellectuelle ?
Je refuse de participer à créer un monde inacceptable dans lequel seules les personnes les plus solides mentalement peuvent prendre le risque de s'exprimer. Je refuse de participer à créer un monde dans lequel tout organe de presse doit s'accoler à un cabinet d'avocats, ce que ne pourront faire que les plus gros, ce qui nuit à la pluralité des médias (qui permet l'existence de journaux locaux citoyens). La liberté d'expression est l'un des piliers fondamentaux de la démocratie.
Cordialement.
Sénateur Détraigne :
Bonjour,
Je vous écris en tant que citoyen. Je ne représente aucune structure (commerciale ou non). J'ai contacté votre permanence par téléphone en début de semaine.
J'ai lu le compte-rendu de la séance plénière du 07/02 et notamment la partie sur la ppl de réforme de la prescription pénale, ppl à laquelle je m'intéresse depuis ses débuts, car je considère que l'augmentation des délais de prescription est un vrai sujet de société qui nécessite une discussion de fond qui ne devrait pas être limitée aux seul-e-s parlementaires dans le cadre d'une ppl fort discrète.
Durant cette séance, vous avez tout d'abord déclaré : « À la différence d'un écrit publié sur un support papier, un message peut être publié une première fois sur un réseau social, puis reproduit des mois plus tard sans que la jurisprudence puisse distinguer ces infractions. »
Cela dépend et votre analyse me paraît bien rapide et approximative. Reproduit par le même auteur ou non ? Publié auprès d'un public nouveau ou non ? Un lien ou une reproduction complète ? Lorsqu'il s'agit de papier, la jurisprudence fait la différence entre une réimpression et une réédition : qui est l'auteur ? Quelle est sa volonté ? Est-ce une diffusion élargie de son cercle initial ? Etc. Il en va de même lorsqu'il s'agit de numérique : un lien par un même auteur lance un nouveau délai de prescription. Une reproduction complète auprès d'un public nouveau constitue une nouvelle infraction avec son délai de prescription propre. Un retweet est une diffusion de l'information, pas forcément la marque de l'approbation du contenu retweeté : il est nécessaire de pouvoir lire et diffuser des idées contraires aux siennes afin de se forger un esprit critique et de faire émerger un débat public constructif.
Les juges ont su transposer la jurisprudence du papier au support numérique. Il m'apparaît inutile de légiférer une fois de plus pour créer un cas d'exception dans une loi qui se propose de les réduire.
Ensuite, vous avez déclaré : « Étendre la prescription est essentiel pour protéger le droit à un recours effectif, cela laissera le temps d'identifier, auprès d'hébergeurs situés à l'étranger, l'auteur du délit qui est souvent un anonyme. »
Vous mettez ici en évidence quelque chose d'intéressant sous couvert de termes erronés. L'étranger à bon dos ! Des sites web qui ont pignon en France, comme Facebook, jouent sur les deux tableaux en se réclamant du statut neutre d'intermédiaire technique (pour échapper aux contraintes du statut d'éditeur) alors qu'ils veulent, en même temps, disposer des largesses que procure le statut d'éditeur. Les avantages sans les contraintes, en somme. Cela n'a rien à voir avec la loi de 1881. Le sénateur Assouline l'a exprimé (même si c'est d'une façon maladroite qui peut conduire à du n'importe quoi législatif) : « Les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, voilà ceux qu'il faut encadrer : les hébergeurs, trop souvent, se lavent les mains des infractions commises sur leurs réseaux ! Pas touche à la liberté de la presse ! ».
Pensez-vous vraiment qu'un délai de prescription bancal qui pénalise le plus grand nombre (la loi de 1881 protège la liberté d'expression de chaque citoyen-ne) procurera vraiment le temps nécessaire à l'identification du cas minoritaire d'un auteur anonyme qui publie sur un site web qui ne coopère pas avec les autorités ?
Sans compter que, selon les cas, on peut attaquer des propos prescrits selon la loi de 1881 pour dénigrement et atteinte à l'image.
Quand j'évoque la nécessité de protéger le plus grand nombre, je pense aux nombreux cas où certaines infractions de presse, comme l'injure et la diffamation, sont systématiquement utilisées comme première ligne de défense, comme diversion, dès la publication du moindre contenu, même si les faits sont avérés et que l'expression est de bonne foi. On le voit avec des journaux tels que Mediapart mais c'est également le cas au niveau citoyen. À titre d'exemple, je vous rappelle la situation vécue par Émilie Colin, citoyenne accusée de diffamation pour avoir publié le prénom+nom des négociateurs français du traité international ACTA. Et elle n'est pas un cas isolé. Systématiquement, ces journaux et ces personnes gagnent en justice, mais doivent en assumer le coût et notamment celui de la fatigue mentale. C'est pour cela que la remise en cause de l'équilibre trouvé dans la loi de 1881 me semble hautement préjudiciable et liberticide.
Je refuse de participer à créer un monde inacceptable dans lequel seules les personnes les plus solides mentalement peuvent prendre le risque de s'exprimer. Je refuse de participer à créer un monde dans lequel tout organe de presse doit s'accoler à un cabinet d'avocats, ce que ne pourront faire que les plus gros, ce qui nuit à la pluralité des médias (qui permet l'existence de journaux locaux citoyens). La liberté d'expression est l'un des piliers fondamentaux de la démocratie.
Cordialement.
Sénateur François-Noël Buffet :
Bonjour,
Je vous écris en tant que citoyen. Je ne représente aucune structure (commerciale ou non).
J'ai lu le compte-rendu de la séance plénière du 07/02 et notamment la partie sur la ppl de réforme de la prescription pénale, ppl à laquelle je m'intéresse depuis ses débuts, car je considère que l'augmentation des délais de prescription est un vrai sujet de société qui nécessite une discussion de fond qui ne devrait pas être limitée aux seul-e-s parlementaires dans le cadre d'une ppl fort discrète.
Durant cette séance, vous avez tout d'abord déclaré : « Un message publié sur internet peut être partagé et diffusé bien plus largement que sur un magazine. Le trouble à l'ordre public est bien plus grand. »
Il s'agit d'une fausse croyance largement répandue : avec Internet, tout le monde n'est pas devenu une star, une personnalité mondialement connue. Un article sur mon blog personnel est 400 fois moins lu qu'un article dans le Canard Enchaîné ! La force de diffusion de mon Twitter est très largement inférieure à celle de n'importe quelle station de radio ou TV ! Ces supports traditionnels avec plus d'audience ne sont pas exempts de défauts. Exemple : les divertissements qui volent bas et qui regorgent d'atteintes au respect de la personne humaine. Pourtant, le législateur veut leur octroyer un délai de prescription moindre. Quelle est la logique ?!
Ensuite, vous avez déclaré : « On dit qu'internet facilite l'information des victimes, mais un message faux, injurieux, diffamant, attentatoire à la vie privée peut être publié sur un blog confidentiel avant que des mois plus tard, des dizaines voire des centaines de tweets ou de posts Facebook ne pointent un lien vers cet article. »
Tout comme je peux ressortir de vieilles coupures de presse, de vieux dossiers, comme le font régulièrement les journalistes et les humoristes politiques. Exemple : l'entrevue passée de Mme Fillon.
De plus, rares sont les « blogs confidentiels » (qui de surcroît connaîtraient un intérêt soudain seulement quelques mois plus tard), qui échapperaient à un système d'alerte automatique.
Enfin, selon les cas, on peut attaquer des propos prescrits selon la loi de 1881 pour dénigrement et atteinte à l'image.
Ensuite, vous avez ajouté : « qu'aucun écrit ne disparaît d'internet. »
Ce n'est pas pour autant qu'un écrit apparaît sur l'écran d'un-e citoyen-ne comme par enchantement, il faut le chercher, tout comme la vieille coupure de presse ou la vieille entrevue journalistique filmée. De plus, produire du contenu récent qui parle de nous "éloigne" systématiquement les contenus plus anciens dans les résultats de recherche. Illustration : cherchez le prénom+nom d'un-e élu-e actif-ve, Alain Juppé, par exemple : les premières pages de résultats ne font pas état de sa condamnation judiciaire passée. Pour trouver cette information, il faudra délibérément utiliser les bons mots-clés. Il en va de même pour un-e citoyen-ne. Dès lors, quelle différence avec un-e passionné-e d'une thématique qui ressortira de vieilles coupures de presse papier quand l'occasion se présentera, de même que la presse papier refait sortir les vieux dossiers régulièrement ?
Pour continuer, vous avez affirmé : « Le délai d'un an reste inférieur au droit commun, et le Conseil juge que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que des situations différentes soient soumises à des règles différentes. ».
C'est vrai, mais le même Conseil constitutionnel a aussi statué, dans sa décision 2004-496-DC que vous évoquez ici, qu'il ne faut pas que cette différence de traitement dépasse la mesure de ce qui est nécessaire pour prendre en compte la situation particulière qui justifie la différence de traitement. Je ne suis pas du tout convaincu que les spécificités du numérique (pas celles que vous lui prêtez, non, les factuelles) justifient un délai de prescription d'une année.
Enfin, vous avez déclaré : « Le support numérique modifie la diffusion de l'information. Voulons-nous protéger les journalistes ou les victimes de diffamation ? ».
Pour ma part, je veux que nous protégions les trois : le journaliste, le-a citoyen-ne qui s'exprime et les victimes de délits de la presse ! C'est le principe d'un équilibre et je pense que la loi de 1881 a trouvé le bon et qu'il est nullement remis en question par le numérique.
Quand j'évoque la nécessité de protéger également les journalistes et les citoyen-ne-s qui s'expriment, je pense aux nombreux cas où certaines infractions de presse, comme l'injure et la diffamation, sont systématiquement utilisées comme première ligne de défense, comme diversion, dès la publication du moindre contenu, même si les faits sont avérés et que l'expression est de bonne foi. On le voit avec des journaux tels que Mediapart mais c'est également le cas au niveau citoyen. À titre d'exemple, je vous rappelle la situation vécue par Émilie Colin, citoyenne accusée de diffamation pour avoir publié le prénom+nom des négociateurs français du traité international ACTA. Et elle n'est pas un cas isolé. Systématiquement, ces journaux et ces personnes gagnent en justice, mais doivent en assumer le coût et notamment celui de la fatigue mentale.
Je refuse de participer à créer un monde inacceptable dans lequel seules les personnes les plus solides mentalement peuvent prendre le risque de s'exprimer. Je refuse de participer à créer un monde dans lequel tout organe de presse doit s'accoler à un cabinet d'avocats, ce que ne pourront faire que les plus gros, ce qui nuit à la pluralité des médias (qui permet l'existence de journaux locaux citoyens). La liberté d'expression est l'un des piliers fondamentaux de la démocratie.
Cordialement.