« « Le porno comme nouvelle source d’injonction« , combien de fois ai-je lu cette formule ces derniers jours. Oui, je le maintiens, le porno est source d’injonctions, au même titre que l’ensemble de notre environnement culturel. Si la publicité, le cinéma, les magazines, les clips, et autres, sont sources d’injonctions, je ne vois pas par quel miracle le porno pourrait passer au travers.
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L’effet de ce déplacement de la norme, j’ai pu le constater durant toute la phase d’enquête de ce film, qui ne s’est évidemment pas limitée aux interviews de six personnes. J’ai par exemple assisté à une réunion de débriefing avec des intervenants en milieu scolaire qui m’ont fait part des questions les plus fréquemment posées. Énormément concernaient l’épilation intégrale, même chez les collégiens. Sans surprise également, des questions sur la fellation et la sodomie. Le reste concernait pêle-mêle les questions transgénérationnelles à propos de la perte de la virginité, l’amour, la contraception et la prévention. L’épilation intégrale est très symptomatique de cette affaire. Je me rappelle avoir lu ce cri du coeur d’une lycéenne de classe de seconde qui avait écrit sur un petit bout de papier glissé dans la boîte à chapeau des questions anonymes : « Mais est-ce que les garçons se rendent compte à quel point ça fait mal ?« . Ne me faites pas croire qu’à 15 ans on s’arrache les poils interfessiers par « choix ». Déjà qu’à 35 j’y crois moyen et je trouve cette notion, de « choix » bien souvent discutable, alors à 15 j’y crois encore moins.
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Sauf que les choses ne sont pas aussi simples que cela et que les sources d’injonctions sont nombreuses. J’en veux pour exemple certains magazines actuellement en kiosque. Il y a quelques jours, j’ai feuilleté deux d’entre eux, totalement pris au hasard. L’un me demandait si en terme de sexe et d’amour j’étais suffisamment « ambitieuse ». L’autre me proposait « une libido au top ». « Ambitieuse », « au top », je me suis demandé si on parlait de cul ou d’une préparation à un entretien d’embauche.Pour revenir au film, il dénonce ce que l’on pourrait appeler un déplacement des normes en matière de sexualité et analyse leurs provenances. Et ces provenances sont multiples, le porno n’en constitue qu’une partie. Ortie le dit elle-même dans son entretien : affirmer que le porno est responsable de l’objectification des femmes est totalement hypocrite, il suffit d’allumer sa télé et de regarder autour de soi pour constater que cette objectification est omniprésente. Ce n’est pas le porno qui a amené le sexisme dans la société, c’est la société dans laquelle on évolue qui est à dominante sexiste et le porno n’en est que le reflet exacerbé. Le porno est à l’image de l’époque et de la culture dans lesquelles il évolue. Par exemple, le porno américain contemporain n’a strictement rien à voir avec le porno danois des années 70 ni avec le porno japonais. Le porno américain est à l’image de ce qu’est la culture américaine, c’est-à-dire inégalitaire dans ses représentations et avec une omniprésence du culte de la performance. »
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