On a beau le savoir, c’est toujours bien d’en avoir confirmation : les dirigeants d’entreprise, qu’ils soient français ou européens, qu’ils se présentent comme des amis de la planète ou non, se fichent du dérèglement climatique comme de leur premier coup de soleil.
Voyez BusinessEurope, le Medef européen. Il rassemble toutes les organisations patronales des Vingt—Sept. C’est le sémillant Pierre Gattaz qui le préside depuis peu. La semaine dernière, le site Euractiv a publié un mémo interne qui fournit à ses membres les éléments de langage qu’ils devront utiliser à Bruxelles lors des prochaines discussions sur les réductions d’émissions de C02 (« Libération », 20/9). Trois bons conseils.
Un, tant qu’il s’agit d’un blabla sans conséquence, c’est-à-dire sans aucun effet sur la législation européenne en vue de 2030 (car ils voient loin…), ne pas hésiter à être « plutôt positif » sur la nécessité de réduire les émissions.
Deux, dès que des mesures concrètes de réduction d’émissions sont envisagées, « utiliser les arguments habituels, selon lesquels nous ne pouvons agir seuls dans un marché mondialisé et ne pouvons pas compenser pour les autres ».
Trois, pour freiner, retarder, empêcher les mesures de réduction mettre en doute les calculs en « demandant plus de transparence », réclamer des « études d’impact », agiter le « risque de créer de l’instabilité ».
Cocasse, non ? Depuis l’accord de Paris sur le climat, en 2015, on entend tous les jours dans les médias les patrons expliquer que, loin de voir dans la lutte contre le dérèglement climatique une entrave à l’activité économique, ils la considèrent, eux, comme une formidable opportunité et se posent en leaders du combat pour un monde moins ravagé par les gaz à effet de serre.
L’enfumage, c’est tout un art…
Dans le Canard enchaîné du 26 septembre 2018.