Comme on est en procédure accélérée, il y a eu une seule lecture par chambre puis Commission Mixe Paritaire. La CMP n'ayant pas réussi à produire un texte consensuel, une deuxième lecture a eu lieu. Comme il n'y a toujours pas eu consensus, l'Assemblée va plancher sur la version définitive ("dernier mot à l'Assemblée") à partir de demain.
Ce que j'en retiens :
- Pour l'instant, la réduction de la durée de validité d'un chèque (bancaire) de 1 an à 6 mois n'est pas revenue ;
- Je ne savais pas que ce texte tente d'ajouter à notre corpus législatif les « conventions judiciaires d'intérêt public » : une amende négociée en amont plutôt qu'un procès dans des affaires de corruption. Ça se nommait transaction pénale fût un temps et ça a été retoqué au Conseil d'État mais bon, faut bien retenter sa chance :- . Instaurer un tel mécanisme comme palliatif au fait que la justice française n'a jamais condamné définitivement une entreprise pour corruption active, c'est se moquer du monde ;
- J'apprends que ce projet de loi avait pour ambition de créer un registre commun au Parlement, au gouvernement et aux collectivités territoriales pour l'enregistrement des lobbyistes. Sauf que le Sénat n'en a pas vu l'intérêt pour le Parlement qui dispose déjà de son registre et de ses règles propres. Les collectivités territoriales ont aussi été sorties du champ par le Sénat ;
- Concernant les lanceur-euse-s d'alertes, l'étau se referme et la protection s'amoindrie :
- Il y a enfin des sanctions prévues pour l'entrave du-de-la lanceur-euse d'alerte : 1 an et de 15 000 € (et 3 ans / 45 000 si c'est avec violence par une bande organisée) ;
- Une aide et un secours financier par le Défenseur des droits sont vaguement prévus dans une proposition de loi qui avance en même temps : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/competence_defenseur_droits_protection_lanceurs_alerte.asp . Je trouve cela trop vague : comment le Défenseur agira-t-il ? Sur quels critères accordera-t-il et refusera-t-il son secours financier ?
- Le Sénat a envie que seuls les faits avérés (et pas les menaces potentielles) soient relevées par des lanceur-euse-s d'alerte … … …
- On note que l'on est toujours sur une alerte lancée par « une personne physique », ce qui exclu les groupements de personnes comme les délégations du personnel. Juste histoire de dissuader un maximum de personnes de "jouer" au lanceur-euse-s d'alertes :- ;
- On retrouve toujours la graduation pour lancer l'alerte : d'abord en interne auprès de la hiérarchie sauf exceptions si elle est elle-même corrompue puis aux autorités compétentes et enfin à la presse. Ceci est insensé et confus. Sans compter que le but non avoué est bien de faire en sorte que les alertes n'atteignent jamais la presse. De même, qu'est-ce qu'une « violation grave » ? ;
- Qu'est-ce que la « bonne foi » du-de-la lanceur-euse d'alerte ? « Une brèche dans laquelle la partie adverse ne manquera pas de s'engouffrer. Elle aura tout loisir de mettre en lumière des éléments prouvant que l'intéressé ne l'était pas. Par exemple qu'il était en désaccord avec des personnes de l'entreprise et a voulu leur nuire, ou qu'il a fait du chantage pour négocier son départ en mettant dans la balance le fait qu'il avait un "dossier" sur l'entreprise. "En Angleterre, où il y a une législation sur le sujet depuis 1998, on a supprimé la notion de bonne foi en 2013. Ce qui importe, c'est de savoir si les allégations sont vraies ou fausses, c'est tout", remarque Patrick Thiébart. » (source : http://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/pourquoi-le-statut-de-lanceur-d-alerte-sera-difficile-a-obtenir_1838699.html ) ;
- Quid du lanceur-euse d'alertes de sécurité ? Un-e lanceur-euse d'alertes qui fait fuiter des docs, l'infraction me semble être constituée par la fuite elle-même alors que le-a lanceur-euse d'alertes de sécurité, on peut l'accuser d'avoir commis une infraction avant même qu'il divulgue : entrée et maintien dans un STAD, etc. ;
- De même, l'agence n'est pas une autorité administrative indépendante. Elle sera donc sous la tutelle d'un ministère. Pas top du tout : un scandale n'arrange jamais le business d'un secteur. or, le ministère (santé, économie, industrie) est là pour chapeauter ce secteur d'où la possibilité de vouloir restreindre les alertes. Niveau budget : l'étude d'impact table sur 10-15 millions d'euros. Plus que la HADOPI ces temps-ci mais je ne sais pas ce que ça vaut ;
- Bref, on est sur la création d'un parcours du combattant pour les lanceur-euse-s d'alerte, pas sur la définition d'une protection de ces personnes !