Une plainte pour « acte de terrorisme » et « complicité » vise Tereos, la plus grosse coopérative agricole française. Plusieurs coopérateurs du géant du sucre viennent de saisir le pôle antiterro du parquet de Paris afin qu’il enquête sur la découverte, en novembre 2016, de sacs de sorbitol estampillés « Tereos » dans les entrepôts de Daech.
Le sorbitol est un édulcorant utilisé par l’industrie pharmaceutique et par l’agro-alimentaire pour fabriquer des bonbons. Mélangé à du nitrate de potassium, il devient un puissant explosif. Les islamistes n’ont pas le droit d’aimer les confiseries ?
C’est lors de la libération de Mossoul, en Irak, que l’ONG britannique Conflict Armament Research a mis la main sur des dizaines de sacs de sorbitol provenant des usines picardes du sucrier. Une cargaison détournée à l’insu de Tereos, conclura le rapport de l’ONG. Fin de l’histoire ? Non.
Glucose toujours
D’après les huit betteraviers plaignants, la coopérative aurait continué de fournir du sorbitol en Syrie jusqu’en septembre 2017 — alors même qu’un rapport interne, exhumé par « Marianne » (22/2), recommandait de cesser ces livraisons. Les plaignants accusent froidement leur coopérative d’avoir « aidé à la préparation d’actes terroristes par le groupe Daech ».
« Nous n’avons jamais vendu de sorbitol ni à Daech ni au régime de Bachar El Assad, indique un porte-parole de Tereos au “Canard”. Quant aux livraisons en Syrie, elles étaient légales, parfaitement contrôlées et se limitaient à l’industrie pharmaceutique. » Et de dénoncer « une opération de déstabilisation », dernier avatar de la guerre que, depuis des mois, se livrent l’équipe dirigeante et des coopérateurs frondeurs pour le contrôle de l’entreprise.
Reste à savoir si la justice se montrera tout sucre.
Il est intéressant de noter que des coopérateurs ne semblent pas avoir le contrôle des décisions prises au sein de leur coopérative. À quoi bon coopérer, alors ?
Dans le Canard enchaîné du 20 mars 2019.