« La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne relève pas de la compétence du juge judiciaire… » Cette phrase, qui figure en toutes lettres dans la décision d’un juge rendue le 9 février, a provoqué un gros embarras au sein de la cour d’appel de Paris. Car, à moins que la France ne sorte de l’Europe, les traités internationaux qu’elle a ratifiée s’imposent à tous les magistrats, y compris cette convention…
L’aberration juridique s’est produite à Paris, au « 35 bis », surnom donné (en référence à un article du Code de l’entrée et du séjour des étrangers) à la juridiction dans laquelle un juge décide, seul, de la légalité de l’arrestation et de la rétention des sans-papiers. Marge de manœuvre quasi nulle, audiences menées à une allure sidérante, migrants défilant à la chaîne par dizaines… tout est réuni pour que le jugement confirme le maintien en rétention.
De fait, c’est presque toujours le cas. Et les bourdes juridiques y sont légion. Mais tout le monde s’en balance, hormis les intéressés, des associations et des avocats engagés…
Ce 9 février, l’étrange arrêt de la cour d’appel concernait une jeune Ivoirienne de 21 ans et sa fille de 2 ans. Le préfet, qui entendait les réexpédier en Italie, où la mère avait été enregistrée, réclamait au juge la prolongation de leur rétention jusqu’au début du mois de mars.
Sa fille a un 1 et 2 mois depuis fin février 2018.
Boulettes et insouciance
La convention européenne, ont rétorqué les avocats, s’impose si peu « au juge judiciaire » que la France a été sévèrement condamnée, par trois fois, pour avoir infligé « des traitements inhumains et dégradants » à des gamins, sous la forme de séjours en centre de rétention. La Cour de Strasbourg avait souligné « le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants ».
La bévue du 9 février 3. finalement fait beaucoup de bien à la mère et à son enfant : devant le scandale, elles ont été libérées !
Le Canard enchaîné du 21 février 2018 ne raconte pas la deuxième partie de l'histoire : la phrase relative à la convention européenne a été supprimée de la version de l'ordonnance envoyée dans la base JuriCa pour mise à disposition du public alors que la version non expurgée a été notifiée à l'intéressée.