Veolia a obtenu en avance les détails d'un appel d'offres en Colombie (sans aucune contrepartie, bien entendu) et aurait versé des pots-de-vin pendant 7 ans aux autorités de Bucarest. Toujours aussi classes, les géants de l'eau et de l'assainissement…
Passées inaperçues, les sanctions prononcées par la Banque mondiale à l’encontre du groupe Veolia ont un goût… saumâtre : le 29 mai, l’institution financière internationale a exclu, respectivement pour deux ans et un an, OTV et VWT Brasil, filiales du géant de l’eau et des déchets, de la « liste des sociétés autorisées à participer à des projets qu’elle finance ».
OTV, leader mondial de l’assainissement de la flotte, et Veolia Water Technologies (VWT) Brasil sont accusés d’avoir commis « des actes frauduleux et collusoires » durant leur participation à l’appel d’offres d’une usine de traitement d’eaux usées à El Salitre, en Colombie. Finalement attribué à un concurrent en 2016, le marché devait servir à améliorer la qualité du rio Bogota et à réduire les risques d’inondation. Mais c’est Veolia qui a pris l’eau…
Yankees en embuscade
« Il n’y a eu aucune allégation de corruption au terme d’une enquête très poussée de la Banque mondiale », proteste une porte-parole de Veolia. Le géant du CAC 40 — 25,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018 — a seulement obtenu, reconnaît- elle, « un accès prématuré à la documentation de l’appel d’offres via un bureau d’études avec lequel OTV et VWT collaboraient ». Une faveur vénielle…
Dans son rapport annuel 2018, Veolia mentionne en quelques lignes pudiques cette interdiction prononcée par la Banque mondiale. Et n’est guère plus disert sur les menaces d’amendes américaines qui pèsent sur ses comptes. L’organisme de contrôle des marchés financiers (SEC) et le Département de la justice (DOJ) enquêtent sur d’éventuelles violations des lois fédérales américaines dans le cadre d’un dossier de trafic d’influence en Roumanie.
Doté d’un contrat de concession des services de distribution d’eau de la ville de Bucarest, ANB (filiale à 74 % de Veolia Eau) et plusieurs anciens dirigeants, dont deux français, sont soupçonnés d’avoir versé plus de 12 millions d’euros de pots-de-vin entre 2008 et 2015 en contrepartie de décisions favorables des autorités locales.
Malgré l’ouverture d’une enquête préliminaire par le Parquet national financier en 2017 et plusieurs perquisitions menées à Bucarest, à Aubervilliers (siège mondial du groupe) et même à Prague en 2018, rien ne bouge.
Veolia n’a plus qu’à embaucher un spécialiste du désenlisement ?
Dans le Canard enchaîné du 7 août 2019.