Un bel exemple de lutte contre les inégalités d’accès à l’enseignement, dénoncées haut et fort par les ministres Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal ! Les prestigieuses Ecoles centraies de région (Lille, Lyon, Marseille et Nantes), établissements publics créés pour former des ingénieurs de haut niveau, viennent tout juste de… quadrupler leurs frais de scolarité !
Maladroits de scolarité
Dès la rentrée prochaine, les futurs étudiants devront négocier avec leurs parents (ou leur banquier) pour lâcher 2 500 euros par an, contre 615 euros jusqu’à présent, comme l’a rapporté le site Educpros (24/7). Si cette decision du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, dont dépendent les différentes Ecoles centrales, a cueilli à froid leurs élèves, elle réjouit leurs dirigeants, qui réclamaient une hausse des droits d’inscription depuis bien des années.
« Notre budget est de plus en plus contraint, explique Frank Debouck, vice-président du Groupe des Ecoles centrales. Sur la seule Ecole centrale de Lyon, que je dirige, nous avons besoin de rénover le campus, vieux de cinquante ans, mais aussi de financer les nombreuses formations que nous avons ouvertes en quelques années, ainsi que l’augmentation sensible de la taille des promotions. »
Et de rappeler que la réforme de la taxe d’apprentissage en 2014 a provoqué une baisse notable des montants que les grandes écoles d’ingénieurs collectaient par ce biais. « A Lyon, nous avons perdu 400 000 euros d’un coup, sur un budget de 40 millions. Cette hausse des frais de scolarité ne fera que compenser l’argent perdu. »
Heu, lol ? 400 000 € c'est 1 % de 40 000 000…
Il n’empêche. Le dirigeant a beau préciser que les Ecoles centrales accueilent environ 80 % de boursiers et qu’« aucun élève ne sera laissé sur le bord de la route », cette explosion des droits d’entrée ne va-t-elle pas dissuader les étudiants d’origine modeste ou issus des classes moyennes de s’engager dans cette voie ?
D’après une enquête — citée par « Les Echos » (17/5) — réalisée par le site d’éducation spécialisé News Tank, le coût moyen des écoles publiques d’ingénieurs a déjà bondi de 28 % en cinq ans (de 707 euros en 2012 à 908 euros en 2017), et treize d’entre elles ont doublé leurs frais de scolarité.
« Le modèle des écoles d’ingénieurs est en train de rejoindre celui des écoles de commerce, très segmenté, entre élèves boursiers d’un côté et élèves issus de familles aisées de l’autre, déplore Grégory Barrère, du Bureau national des élèves ingénieurs. Il est urgent de repenser le choix des sources de financement des écoles publiques si nous ne voulons pas aller vers un système à l’anglo-saxonne. » Pourquoi ? C’est un modèle qui déplaît au sommet de l’Etat ?
Dans le Canard enchaîné du 1er août 2018.