Bien loin de la cape plombée, de la matraque ou du bidule en bois de leurs ancêtres, la grenade à main de désencerclement est devenue le jouet favori des policiers depuis les manifestations contre la loi Travail.
A l’image de la grenade défensive Mk2, joliment baptisée « Ananas ». L’engin de maintien de l’ordre est composé de 18 plots en caoutchouc — et non en métal, comme sa copine américaine — de 10 grammes, qui sont projetés à près de 130 km/h sur un rayon de plu- sieurs dizaines de mètres autour du point d’impact. Lors de cette violente détonation (160 décibels), le bouchon allumeur et ses éléments métalliques sont également propulsés. « Cette grenade était jusque-là appréciée par la police pour sa bonne réputation : très dissuasive et générant un faible risque de blessure irréversible », comme le relève « Libération » (2/11). Mais des expertises balistiques et médicales effectuées dans le cadre de deux enquêtes judiciaires soulignent aujourd’hui sa dangerosité.
Le 26 mai 2016 à Paris, Romain Dussaux, 28 ans, est grièvement touché à la tête par l’un de ces engins. Enfoncement de la boîte crânienne, hémorragie méningée, deux semaines de coma. La grenade a pourtant été lancée au ras du sol, comme le préconise le manuel. Quatre mois plus tard, toujours à Paris, un manifestant syndicaliste, Laurent Theron, 46 ans, s’écroule à son tour, touché à l’œil : plusieurs fractures, perte de la vision. Cette fois, l’engin a été lancé « en cloche », contrairement aux instructions, par un jeune CRS qui n’avait reçu aucune formation au maintien de l’ordre.
En mai dernier, Amnesty International souhaitait l’interdiction de ces grenades, estimant que leur emploi comportait « un risque de blessure grave » car elles ne pouvaient « être tirées exclusivement sur des individus commettant des actes de violence, sans risque d’en blesser d’autres à proximité ».
Une grenade fait mal. C’est même à ça qu’on la reconnaît…
Dans le Canard enchaîné du 8 novembre 2017.