Un bon bougre, au fond. Serge Dassault avait beau être le 5° homme le plus richissime de France, il était resté simple et franc du collier. Il adorait la chasse. Dans sa vaste propriété, il traquait le gros gibier du haut de la tourelle de son 4 X 4. Il disait tout ce qui lui passait par la tête. Les chômeurs ? « C’est anormal de donner de l’argent à des gens qui ne veulent pas travailler. » Le mariage hmosexuel ? « On va avoir un pays d’homos, et dans dix ans il n’y a plus personne. » Les ventes d’armes ? « Quand on vend du matériel, c’est pour que les clients s’en servent. »
Il était très content que son fameux avion de guerre, le Rafale, se vende enfin par dizaines à l’étranger et puisse balancer des missiles dans le monde entier. Il n’avait pas d’états d’âme. C’était un polytechnicien, un ingénieur, un capitaine d’industrie, un bâtisseur d’empire. Enfin, presque. C’est à l’âge de 62 ans qu’il avait hérité celui de son père, Marcel. On le prenait pour un vieux benêt ? Il a multiplié la fortune familiale par dix. Sans prendre de gants.
Pour lui, tout pouvait s'acheter, La démocratie ? Une mascarade : il avait corrompu des leaders socialistes wallons (et écopé de 2 ans de prison avec sursis). Pour remporter la mairie de Corbeil-Essonnes, il avait acheté des votes, puis acheté les « grands frères », qui lui promettaient la paix dans la cité des Tarterêts (l’un deux, Younès Bounouara, a pris, la semaine dernière, 15 ans pour tentative d’assassinat).
En 2004, il avait acheté « Le Figaro », où il exposait régulièrement sa vision de la vie (supprimer les syndicats, les grèves, plein de postes de fonctionnaires).
Il cachait au fisc des comptes à l’étranger tellement bourrés à craquer qu’en février 2017 il avait été condamné à 5 ans d’inéligibilité et 2 millions d’amende (seul son « grand âge », dirent les juges, lui avait épargné la prison).
Son empire industriel n’aurait pu tenir sans les commandes massives de l’armée française et, donc, le soutien massif de l’Etat. Ainsi, il aimait indistinctement tous les chefs d’Etat, Chirac, Sarkozy, Hollande (dont le ministre Le Drian s’était démené avec succès pour qu’il vende ses Rafale partout). Il adorait Macron, qui a fait « en sept mois » des réformes « que la France attendait depuis trente ans ». C’était un vrai guerrier.
La paix soit avec lui.
Une nécrologie revigorante après l'hommage national aux Invalides et l'hommage au Sénat, tous deux absolument scandaleux et indignes car démontrant, une fois encore, que tous les comportements se valent et que l'éthique, voire même le sentiment d'humanité, n'a pas d'importance dans notre Ripoublique.
Dans le Canard enchaîné du 30 mai 2018.