Ce moment où l'on apprend que la CFDT ne semble pas être à même de protéger les données personnelles de ses syndiqué⋅e⋅s ni de les protéger financièrement lors des grèves ni même de respecter un semblant de justice. Bon, la CFDT n'est pas la seule à avoir des pratiques qui me semblent manquer d'éthique : entre les nominations de responsables CGT et FO par les pouvoirs publics et la rénovation, à un coût exorbitant, du bureau de l'ex-secrétaire général de la CGT…
Les enfants de la deuxième gauche ont toujours prôné l’esprit d’ouverture. Mais de là à tout montrer ! Jusqu’au 21 juillet, les portes du site Internet de la CFDT étaient si béantes qu’en quelques clics le syndicat de Laurent Berger se transformait en maison de verre.
La CFDT avait réuni sous un même portail son site Internet, consultable par tout le monde, et son Intranet, réservé à ses responsables. Or « Le Canard » a découvert que les cloisons entre les deux étaient aussi minces que dans un HLM des années 50.
Nul besoin de « hacker » un code secret ou de « cracker » un mot de passe, un innocent tripotage de clavier permettait d’entrer comme dans un moulin dans le secret des délibérations du temple réformiste. Pour le moindre petit curieux, il était simple de passer de l’Internet à l’Intranet et aussi facile de suivre les entretiens de Laurent Berger avec Edouard Philippe que les étapes du Tour de France sur le site de « L’Equipe ».
Les recettes d’une gestion syndicale efficace y étaient ainsi exposées aux yeux de tous. Un simple clic apprenait aux petits curieux que l’union régionale d’Ile-de-France avait claqué 4,8 millions d’euros pour moderniser son immeuble de la rue de Crimée, à Paris, travaux financés notamment par un prêt à 0,98 % accordé par la Caisse nationale d’action syndicale. Une institution interne à la CFDT fondée pour compenser les pertes de salaires des grévistes ou venir en aide aux victimes de la répression antisyndicale…
Avec cet Intranet ouvert à tous les vents, chacun pouvait aussi être au courant des bides de la centrale, pourtant bien cachés. Ainsi, le 21 avril, la Confédération annonçait la tenue d’un grand barnum destiné aux jeunes, le Working Time Forum, au cours duquel des syndicalistes devaient disserter avec des « startuppers » de l’économie numérique. Las, le 3 mai, l’Intranet dela Confédération siffle la fin de cette grande journée de réflexion, faute d’un nombre suffisant de participants. Dur pour le premier syndicat du secteur privé.
“Secret stories”
Rien n’est épargné à l’internaute, pas même le lavage du linge de la famille. Le 27 avril, Patrice Sinoquet, responsable CFDT de l’usine Whirlpool d’Amiens, devant laquelle le candidat Macron avait été chahuté, annonçait qu’il voterait pour Marine Le Pen. Nombre de responsables de la CFDT suppliaient alors la direction de la Confédération d’exclure séance tenante ce suppôt des fachos. Pas si simple. Sinoquet a le soutien de la base et des responsables départementaux de la métallurgie. Il a fallu attendre 1e 10 mai pour qu’une circulaire interne tranche : « Nous allons suivre le circuit traditionnel de nos procédures afin de traiter cette situation en interne et non sous la pression médiatique. » Ben voyons…
Le surfeur apprenait aussi en passant qu’en quelques semaines les syndicats d’Airbus Helicopters, des cheminots de Paris Sud-Est, des personnels de santé du Rhône et de la chimie de l’Ain avaient été placés sous tutelle. Bref, la sécurité informatique de la CFDT est aussi trouée que l’emmental.
Cette faille, la centrale ne l’a découverte que prévenue par « Le Canard », le 21 juin. Les dirigeants de la CFDT ont alors bloqué tout le système puis verrouillé les entrées à double tour. « On n’a pas été assez vigilants », nous a confié Laurent Berger.
Même à la CFDT, l’ouverture à ses limites.
Dans le Canard enchaîné du 26 juillet 2017.