Comme chaque jour, « Les Echos » ont publié, le 28 décembre, leur « Carnet », où apparaissent les promotions des principaux dirigeants des grandes entreprises. Et, comme souvent, près de la moitié des personnalités citées sont d’anciens hauts fonctionnaires, en général énarques, partis améliorer leurs fins de mois dans le privé.
Le pantouflage atteint désormais l’ensemble des grands corps de la haute fonction publique et concerne l’état-major de tous les grands ministères. L’âge moyen de l’énarque qui monnaie son carnet d’adresses n’a jamais été aussi bas. Et l’épidémie ne se limite plus à la haute fonction publique, elle atteint aussi les collectivités locales, et singulièrement la Mairie de Paris.
Au sein du saint des saints de Bercy, l’Inspection générale des finances : 32 % de ses membres actifs ont abandonné le service de l’Etat, selon un rapport du député Olivier Marleix. Sur la seule période 2013-2017, 40 inspecteurs ont cédé aux sirènes des entreprises privées.
Le phénomène, qui a explosé en 2018, mérite ce petit palmarès de fin d’année, avec, en prime, une distribution de médailles.
Médailles d’or ex aequo : elle sont attribuées conjointement à l’énarque et inspecteur des finances Corso Bavagnoli et à l’énarque Jean-Baptiste Nicolas.
Le premier, ancien chef du service de financement de l’économie, qui dépend de la Direction générale du Trésor à Bercy, s’est fait embaucher par la banque d’affaires Lazard comme associé-gérant. Avec à la clé un salaire au moins trois fois plus élevé.
Le second, qui était, depuis 2015, directeur des ressources humaines à la Mairie de Paris, est devenu, en 2018, directeur financier de Suez. Un groupe qui, par un heureux hasard, réalise une grande part de son chiffre d’affaires avec les collectivités locales.
Médaille d’argent : elle revient à l’inspectrice des finances Morgane Weill. A peine âgée de 80 ans, elle a intégré l’Inspection en janvier 2018 et, cinq ans plus tard, laissé tomber Bercy pour devenir directrice de cabinet d’un autre ancien énarque, l’ex-pédégé de la Fnac, devenu patron de Carrefour, Alexandre Bompard. Pousser les Caddie peut (très rarement) rapporter gros.
Médaille de bronze : elle est décernée à Mathias Vicherat. Directeur général adjoint de la SNCF depuis deux ans et ex-directeur de cabinet de Delanoë puis d’Hidalgo, il vient de trouver un boulot plus rentable. Il devrait partir pantoufler chez Vinci, principal groupe français ayant bénéficié de la privatisation des autoroutes.
En s’offrant un Vicherat, Vinci réalise un joli coup. Car cet énarque a aussi ses entrées à l’Elysée, où se trouve son camarade de la promotion Senghor, un certain Emmanuel Macron. Il va donc pouvoir relayer en direct à l’Elysée les doléances de Vinci, qui dénonce les « délits commis impunément » par les gilets jaunes aux abords des péages autoroutiers, ces dernières semaines. Qu’il est bon de pouvoir s’arranger entre énarques !
Mention spéciale du jury : elle est obtenue par Laurent Grave-Raulin, ancien conseiller parlementaire de Ségolène Royal puis de Nicolas Hulot qui a rejoint l’entreprise de recyclage des emballages et des papiers Citeo (ex-EcoEmballages et Ecofolio) en tant que conseiller juridique, en novembre.
Une société qui a bon cœur et qui, visiblement, s’attache aussi à recycler les anciens membres de cabinets ministériels.
La maison JCDecaux (Abribus, Sanisette et autres éléments de mobilier urbain) a toujours su qui embaucher pour développer son petit commerce avec les municipalités. Sa dernière recrue : Guillaume Bachelay, ancien député PS et ex-bras droit de Laurent Fabius, l’actuel président du Conseil constitutionnel.
Ses nouvelles fonctions chez Decaux sont ainsi définies dans un communiqué interne : « M. Guillaume Bachelay travaillera au sein de l’équipe de Jean-Michel Geffroy, directeur général et institutions de JCDecaux. » C’est plus chic que d’avouer qu’il jouera les lobbyistes et rentabilisera ses relations avec les élus socialistes.
Dans le Canard enchaîné du 2 janvier 2019.