Ces généraux retraités sont atteints de fièvre factieuse.
La crise des gilets jaunes a filé un petit coup de jeune à un quarteron de généraux à la retraite, qui ont profité des cortèges pour se hausser du képi. Ainsi, les généraux Villiers, Tauzin et Piquemal ont entrepris — chacun de leur côté — un petit tour de piste médiatique pour voir si, d’aventure, le pays aurait besoin de leurs services… Pierre de Villiers, ex-chef d’état-major des armées, qui a démissionné en juillet 2017 après s’être fait étriller par Macron, a paradé sur France 5 et sur France Culture. Officiellement, il faisait la promo de son dernier livre, insolemment titré « Qu’est-ce qu’un chef ? ».
Viens, pu-putsch !
En vérité, le général cinq étoiles se sent pousser des ailes depuis qu’un gilet jaune a réclamé à la télé sa nomination à Matignon. « Quand la crise arrive, c’est là qu’on voit le chef », a lancé le général en bombant le torse dans l’émission « C dans l’air ». Avant d’assurer que des milliers de « personnes qui cherchent quelque chose de stable » venaient à sa rencontre lors de ses séances de dédicace, et qu’il y avait « une attente » des foules à son endroit. En avant, marche !
Plus direct, son collègue le général de division Didier Tauzin joue avec le feu. Entre deux interviews à la presse russe, ce trois-étoiles — mis en cause pour son rôle dans les opérations de l’armée française au Rwanda — a lancé, le 6 décembre, une étonnante proclamation sur Facebook. Dans cette vidéo, il avertit Macron et ses alliés : « Nous sommes quelques officiers généraux tout à fait disposés à venir vous apprendre a faire de la politique. Eventuellement à prendre votre place si vous voulez partir, ce que, je pense, vous allez faire bientôt. » Les premières notes du « Chant des partisans » ont clos l’allocution. En attendant « Général, nous voilà ! » ?
Le général Piquemal s’est, lui aussi, un peu agité. Cet ancien patron de la Légion, radié des cadres en 2016 pour avoir participé à une manifestation d’ultradroite contre les immigrés de Calais, se trouvait sur les Champs-Elysées le 8 décembre. Il a harangué ses troupes avec des propos fleuris contre l’« islamisation » et l’« immigration », avant de se dérober courageusement devant le micro tendu par France Culture. Ce qu’on appelle un « défilé » militaire.
Certains nostalgiques d’un pouvoir kaki lorgnent aussi du côté du très conservateur général Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris et ex-patron du service d’ordre de la Manif pour tous. Mais ce militaire d’élite, soucieux de ne pas perdre son poste honorifique de président du comité de la flamme — l’organisme semi-officiel qui gère toutes les cérémonies à l’Arc de triomphe —, reste obstinément aux abris.
Parader en grand uniforme, c’est quand même le plus important.
Que du beau monde, dis donc.
Dans le Canard enchaîné du 12 décembre 2018.