C'était donc bien cela ! Le nouveau roitelet de la presse, Daniel Kretinsky, voulait disposer d’instruments d’influence pour renforcer son emprise industrielle dans l’Hexagone. Après avoir mis la main sur plusieurs fleurons de la presse (« Elle » et les magazines du groupe Lagardère, « Marianne », participation dans « Le Monde »), le milliardaire tchèque, qui a fait fortune dans le gaz et le charbon, vient de lancer une première OPA sur le marché électrique français. Ça tombe bien : les mastodontes Total, Engie et EDF sont en train de rebattre les cartes du nucléaire, du carbone et des énergies renouvelables.
Le 24 décembre, EPH, la holding de Kretinsky, est entrée en négociation avec Uniper France pour reprendre ses deux centrales à charbon de 600 mégawatts, situées à Gardanne (Bouches-du-Rhône) et à Saint-Avold (Moselle). Bâti sur les cendres du géant allemand E.ON, Uniper souhaite s’en débarrasser au plus vite. Trop salissantes, sur le plan social et politique…
Houille, houille !
Le 27 novembre, le gouvernement avait confirmé sa décision de fermer, d’ici à 2022, les quatre dernières centrales fonctionnant au charbon sur le territoire français. Qui peut bien avoir envie de risquer son image dans le business de la houille ? Sûrement pas EDF, ni Engie ! Comme de nombreux énergéticiens européens, les deux sociétés, liées à l’Etat, ont, au contraire, décidé de se « décarboner » en cédant leurs actifs polluants au profit du solaire, de l’éolien ou de la biomasse. Au risque de perdre des activités très rentables. Même Total prétend se verdir : le 6 juillet, le pétrolier s’est offert Direct Energie, premier fournisseur « alternatif », desservant 2,1 millions de clients en France et en Belgique. Un cadeau à 1,4 milliard d’euros.
Daniel Kretinsky s’est fait une spécialité d’acheter à la casse des outils de production un peu cracra. Deuxième entreprise européenne émettrice de C02, EPH s’est hissée, en huit ans, au 6e rang des pro- ducteurs d’électricité européens, avec 6 milliards de chiffre d’affaires… et autant de dettes. Ainsi, en 2016, la holding a arraché au suédois Vattenfall 8 000 mégawatts de tranches charbonneuses d’une valeur de 3,4 milliards d’euros dans deux régions d’ex-RDA.
Les mains sales
« Kretinsky parie sur le fait que, dans tous les cas de figure, il est gagnant, explique un spécialiste de l’énergie. Soit les pouvoirs publics ne parviennent pas à fermer les sites aux dates prévues, comme ce fut le cas en Allemagne après la sortie du nucléaire, soit il peut obtenir des subventions pour reconvertir les sites ou encore des indemnités en cas de fermeture définitive. »
Dans le Monopoly de l’énergie hexagonal, Kretinsky joue le rôle de l’éboueur-pollueur. En rachetant à Uniper deux centrales à gaz promises à Total, il évite au géant de l’or noir de gérer les plans sociaux. Peur des taches d’huile ?
« Daniel Kretinsky est en train de conduire une campagne de France plus rapide que Bonaparte », glissait récemment Yves de Chaisemartin, ex-propriétaire de « Marianne » (« Challenges », 6/12).
Reste à espérer que cette course s’achèvera à Austerlitz, dans le futur quartier du groupe « Le Monde », plutôt qu’à Waterloo…
Héhé, c'te pipeau de la repeinte en vert des géants de l'énergie. :)
Dans le Canard enchaîné du 2 janvier 2019.