La guerre des prix fait de nouveau rage dans les rayons. Sauf que, cette fois, ce n’est pas à la baisse, mais à la hausse ! Après avoir bradé 1 million de pots de Nutella à moins 70 %, Intermarché tente de se racheter une conduite en commercialisant une marque de lait équitable baptisée « Les éleveurs vous disent merci ! ».
Vendue 88 centimes en magasin, cette brique de lait UHT demi-écrémé serait, dixit Intermarché, « celle qui rémunère le mieux ses éleveurs ». C’est écrit sur l’emballage : les producteurs percevront la moitié de ce prix, soit 44 centimes par litre. Pour mémoire, une brique de qualité équivalente proposée par l’enseigne sous la « marque distributeur » Pâturages vaut 73 centimes.
Le coût de production moyen d'un litre de lait est d'environ 37 centimes d'euros.
« C’est notre déclinaison des Etats généraux de l’alimentation, solennise Thierry Cotillard, le président d’Intermarché. Pour que la future loi atteigne son but et permette aux agriculteurs de vivre dignement, il faut une transparence » (« L’Opinion », 5/2).
Voie lactée
A propos de « transparence », le patron des Mousquetaires oublie de préciser que la laiterie de Saint-Père-en-Retz (Loire-Atlantique), qui produit ces briques, appartient à… Intermarché ! Autrement dit, si le profit généré rejaillira bien sur les 136 éleveurs de la laiterie, il ruissellera aussi sur l’enseigne… Pour l’instant, celle-ci n’a cependant signé qu’un engagement minimal de 5 millions de litres par an.
Donc la grande distribution remonte la chaîne de production (les économistes parlent de concentration verticale) donc rien ne change concernant l'indépendance des éleveur⋅euse⋅s et le problème de répartition des richesses le long de la chaîne demeure…
Une goutte de lait dans l’océan lacté des 21,8 milliards de litres produits chaque année en France… Une goutte qui, en passant, permet aux Mousquetaires d’afficher leur respect des règles fixées par le projet de loi de rééquilibrage des relations commerciales entre producteurs et distributeurs. Au risque de donner envie à d’autres grandes surfaces de copier cette astuce ?
Alain Bazot, le président d’UFC-Que choisir, estime que la future loi provoquera une inflation sur les produits alimentaires et se traduira par une augmentation annuelle des dépenses pouvant aller jusqu’à 177 euros par ménage. « On nous demande de relever les prix de tous les produits alimentaires, dont 70 % sont fabriqués par Danone, Unilever ou Coca—Cola », se lamente Michel-Edouard Leclerc (France lnter, 12/2)
Panier gonflé
« Faux, rétorque une proche du ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert. L’objectif du gouvernement consiste à réduire les ventes à perte sur des produits d’appel vendus en grande quantité comme Nutella pour pousser les enseignes à réduire leurs marges (entre 40 et 60 %) sur les denrées agricoles. »
Joli jeu de bonneteau désiré par le gouvernement. Je ne suis pas convaincu qu'il ait lieu. :)
Michel-Edouard Leclerc fait mine d’oublier que ce sont les magasins qui fixent les prix de vente. Et choisissent quelles marchandises leur serviront de vaches à lait...
Dans le Canard enchaîné du 14 février 2018.