Se vantant d’être le « pitbull » de Trump, l’avocat Michael Cohen a, dix ans durant, endossé les turpitudes de son grand homme et couvert ses frasques. S’il s’apprête à purger 3 ans de prison à partir du 6 mai, c’est notamment pour avoir menti devant le Congrès afin de continuer de couvrir son patron…
C’est dire qu’il connaît la bête de très près. « J’ai honte parce que je sais qui est M. Trump. C’est un raciste. C’est un escroc. Et c’est un tricheur. » C’est en ces termes que Michael Cohen décrit désormais son ex-boss, à l’occasion d’une audition par une commission parlementaire le 27 février. Il faut dire que Trump l’a laissé tomber comme une vulgaire chaussette dès ses premiers démêlés judiciaires par procuration, et que Cohen a donc accepté de collaborer à l’enquête du procureur Mueller sur les ingérences russes dans la campagne de 2016.
Cohen, qui se disait jadis « prêt à prendre une balle » pour Trump, ne le flingue pas à la légère. « Un raciste » : « Il m’a dit que les Noirs ne voteraient jamais pour lui car ils étaient trop stupides. » « Un escroc » qui ne « briguait la présidence » que « pour faire grandir sa marque ». Et qui a continué de négocier en sous-main son projet juteux de Trump Tower à Moscou pendant la campagne électorale… « Un tricheur » invoquant une exemption médicale imaginaire pour échapper à la conscription : « Tu penses que je suis stupide ? Je n’allais pas partir pour le Vietnam. » Trouvant « formidable » que WikiLeaks s’apprête à un grand déballage sur Hillary Clinton à l’été 2016, et se réjouissant des contacts directs entre son équipe et le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, aujourd’hui accusé d’avoir été alimenté par des agents russes… « Un tricheur », enfin, qui a prié son indispensable avocat Michael Cohen de dédommager sur ses fonds propres deux de ses ex-maîtresses pour qu’elles la bouclent. Avant de le rembourser en douce par chèque… « Mentir à la première dame est l’un de mes plus gros regrets », lâche Cohen aujourd’hui.
C’est cette dernière manœuvre pour couvrir — encore et toujours — Trump qui envoie Cohen en prison. Et qui lui vaut d’être traité par la Maison-Blanche de « criminel déshonoré ». Miroir, mon laid miroir…
Dans le Canard enchaîné du 6 mars 2019.