La dernière étude d’Oxfam (« L’Express », 23/5) révèle une flambée de l’écart entre les rémunérations des patrons du CAC 40 et celles de leurs salariés. En 2016, ces derniers ont gagné, en moyenne, 119 fois plus que leurs sous-fifres, contre 97 fois plus en 2009.
Et quel patron a tiré le gros lot ? Ce n’est ni le milliardaire Bernard Arnault, 4e fortune mondiale, qui se verse une misère — 216 fois plus que ses petites mains de LVMH —, ni Carlos Ghosn (Renault), Jean-Paul Agen (L’Oréal) ou Patrick Pouyanné (Total) — défrayé « seulement » 123 fois plus que ses pompistes. C’est Georges Plassat, ex-pédégé de Carrefour, dont la rémunération 2016 a représenté 536 fois le salaire moyen de ses caissières ! L’étude ne dit pas à quoi pensait le génie des Caddie en inspectant ses magasins.
Qu’on donne des brioches à ces braves gens ?
Oui, mais tu comprends, ces gens-là ont d'énoooooooooooooormes responsabilités, ils ont le destin de plusieurs milliers de grouillots entre leurs mains, ils décident à longueur de journée, font des choix vitaux pour l'entreprise, blablabla. Sottises ! Ils ne font aucun choix, ils appliquent l'évidence pour engranger plus de profit. Si c'est évident, alors ce n'est pas un choix. Ils n'assument pas leurs prétendues responsabilités, ils se défaussent sur des notions abstraites comme la compétitivité internationale dès qu'ils doivent justifier un de leur comportement. Quant aux destins de leurs grouillots, ils s'en moquent éperdument, il n'y a qu'à voir les licenciements de masse. Qu'est-ce que qui justifie donc ces rémunérations ? Quelle est l'utilité sociale de ces personnes ? La croyance collective qu'il existe des personnes exceptionnelles, qui valent mieux que le commun des humain⋅e⋅s, qui savent prétendument prendre des décisions courageuses. Et ça, c'est profondément ancré dans la tête de chacun⋅e. Ils sont grands car nous sommes à genoux.
Dans le Canard enchaîné du 30 mai 2018.