Mais que fait la police ? Elle ne fait pas. C’est à des agents privés, et non à la maréchaussée, que sera bientôt confié le soin de conduire 350 voitures banalisées avec radar embarqué pour flasher les excès de vitesse.
En février 2017, l’Etat a choisi un prestataire : la société Fareco, filiale du groupe de BTP Fayat. La boîte s’y connaît : elle fournit déjà en radars la moitié de ceux qui flashent les feux rouges grillés. Seul pépin, le nouveau contrat de 53,8 millions d’euros a été remporté sans qu’un appel d’offres européen soit lancé.
Délit de favoritisme, grogne l’association Anticor, qui, la semaine dernière, a déposé une plainte contre X auprès du parquet national financier. Dans son viseur, le ministère de l’Intérieur, qui a passé le marché. Mais, du côté de Beauvau, on explique n’avoir fait qu’appliquer le Code des marchés publics : il ne peut y avoir d’appel d’offres lorsqu’ « un élément de propriété intellectuelle est en jeu ». Or Fareco serait la seule société française à détenir un « certificat d’homologation » des radars embarqués. Sauf que, cette homologation, rappelle Anticor, elle la doit à un premier marché remporté en 2012.
La répression, quelle affaire !
Est-il désormais nécessaire d’avoir gagné un premier marché pour enlever les suivants ? Surtout, alerte Jérôme Karsenti, l’avocat d’Anticor, « est-il légitime que l’Etat transfère sa souveraineté au détriment du citoyen ? Les pouvoirs publics disent que nos sociétés ont besoin de plus de sécurité, or ils délèguent à des gens dont ce n’est pas la mission première ».
Accentuer la répression routière se justifie, aux yeux du ministère de l’Intérieur, par la nécessité de réduire le nombre de morts (3 477 en 2016) et de blessés (29 000 hospitalisés) sur la route. Mais sanctionner plus et mieux les conducteurs grâce à la privatisation permet aussi de remplir davantage les caisses de l’Etat ou des collectivités locales.
« La même privatisation s’est opérée avec la verbalisation du stationnement confiée à des sociétés privées », note Karsenti. Depuis le 1er janvier, la loi de modernisation de l’action publique permet aux collectivités locales de décider de leur politique de stationnement, de la déléguer à des prestataires privés et de décider des tarifs.
A Paris, Anne Hidalgo a augmenté ces derniers de 100 à 200 % (de 17 à 35 ou 50 euros), selon les quartiers. Les salariés des deux sociétés privées, Streeteo et Moovia, qui ont remplacé les pervenches sont des stakhanovistes : 60 contrôles par heure. Résultat, selon Christophe Najdovski, l’adjoint chargé du transport : en dépit des dysfonctionnements, le taux de paiement aurait augmenté de 10 %. Les futurs conducteurs de radars mobiles pourraient se montrer tout aussi zélés sur le bitume.
Pour l’Etat, les collectivités et certaines filiales du BTP, la répression, c’est une affaire qui roule !
Malheureusement. :(
Dans le Canard enchaîné du 14 février 2018.