Ah, cette manie de s’en prendre aux petits et aux faibles, jamais aux riches et aux puissants !
Après avoir fait la leçon à un lycéen qui l’appelait « Manu », traité les ouvrières de Gad d’« illettrées », moqué les « Gaulois », qui ne veulent pas du changement, et les « fainéants », auxquels il « ne céder[a] rien », Macron tape un chômeur qui se plaint de ne pas trouver de boulot. Et lui assène avec superbe, dans les jardins de l’Elysée : « Je traverse la rue, je vous en trouve. » Morale : soit le jeune horticulteur est un imbécile qui ne sait pas chercher, soit il est flemmard. Et pourquoi pas les deux « en même temps » ? Pauvre Macron, qui n’a pas le peuple qu’il mérite.
Ou alors, il cherche un emploi dans un domaine et un secteur d'activité qui lui plaisent, le bougre ! :)
Est-ce ainsi qu’un président doit parler ? Il le croit, puisqu’il a fait de ces saillies brutales une arme de communication à répétition. Mais la leçon du Président est restée « en travers de la gorge » du chômeur et de quelques autres. Son ton condescendant est vexatoire, et sa morgue de classe préparatoire un rien contre-productive.
Macron sait peut-être où trouver du boulot, mais fait-il bien le sien, lui ? En admettant qu’il ait raison sur le fond — il y a plein de jobs, ce sont les chômeurs qui ne savent pas les trouver —, il gagnerait à être plus pédagogue. À éduquer sans casser, à informer sans brusquer, à conseiller sans vexer. Le kif, pas la trique !
Au lieu de ça, son parler vrai est un parler vieux. Il parodie Raymond Barre, qui, à propos du chômage, avait eu cette formule : « La meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de travailler. » Le parler Macron est emprunté à un très ancien monde. Vite un coup de barre ?
Dans le Canard enchaîné du 19 septembre 2018.