En 2011/2012, la série télévisée Bref. était diffusée sur Canal+ et l'expression était sur toutes les lèvres.
Je n'avais pas accroché : série pour djeunz (fallait donc que ça parle de cul, encore et encore), personnage superficiel, etc.
Récemment, j'ai re-regardé cette série, et des épisodes m'ont particulièrement touchés. Ils contiennent une leçon de vie. Je veux partager ça.
Comme les sous-titres automatiques de Youtube sont toujours aussi médiocres, je transcris les paroles ici afin que ces épisodes soient accessibles au plus grand nombre.
Superbe métaphore filée de la déprime.
(Voix off) Bref, j'étais au cinéma avec des potes. On a bien rigolé. Je suis rentré chez moi, j'ai mis la mauvaise clé dans la porte, j'ai pleuré. Je me suis dit que j'étais fatigué. Je me suis couché. J'ai re-pleuré. Je me suis dit que ça passerait avec la nuit. Je me suis réveillé, j'ai re-re-pleuré. Les gens m'ont dit :
‒ Tu fais une dépression
(Voix off) Je me suis dit que non, que je devais être fatigué parce que c'était l'hiver et que ça faisait trois semaines que j'étais resté enfermé chez moi à rien faire parce que la vie c'était de la merde parce que, dans la vie, au début, on né, à la fin on meurt, et entre les deux il se passe rien. J'étais en dépression.
(Voix off) La vie, c'est comme un ascenseur. Quand ça va bien, il monte, quand ça va mal, il descend, et la dépression, c'est quand tu restes coincé au sous-sol et que quand t'essayes d'appeler le dépanneur, tu te rends compte que le dépanneur, c'est toi. Au sous-sol, il y a tous les trucs que t'as enfouis et que t'as pas envie d'affronter.
(Voix off) Alors, j'ai fait ce que n'importe qui aurait fait : j'ai joué à la console. Un jour. Deux semaines. Trois mois. Et, une nuit, les plombs ont sauté. Je suis allé chercher des bougies. Les seules que j'avais, c'était celle de la fille dont j'étais amoureux, Marla. Je suis tombé sur un mot qu'elle m'avait écrit un jour en disant :
(Marla) ‒ Tiens
(Voix off) ‒ C'est quoi ?
(Marla) ‒ Tu le lis que si un jour t'es vraiment pas bien, OK ?
(Voix off) ‒ OK
(Voix off) J'étais vraiment pas bien, alors je l'ai lu. J'ai décidé de reprendre le contrôle de ma vie et nettoyer mon sous-sol.
(Voix off) Le premier stade, c'était le stade de mon enfance. J'étais tout petit, je me suis battu contre les meufs qui voulaient pas être mon amoureuse. Je me suis battu contre des mecs qui voulaient pas être mes copains. Et tous les adultes qui avaient raison parce que j'avais tort. Le boss, c'était mes parents. Je les ai défoncés. Je suis devenu adulte.
(Voix off) Le stade 2, j'étais adulte, j'étais tout seul, j'avais la pression. Je me suis battu pour avoir un travail. Je me suis battu pour avoir une meuf. Je me suis battu pour être heureux, pour pas avoir peur de la mort, pour avoir un travail, pour avoir une meuf, pour être heureux, pour pas avoir peur de la mort, je tournais en rond. Je me suis rendu compte que la solution, c'est de buter le mec qui criait « fight ». Je l'ai buté.
(Voix off) Je suis arrivé dans la salle du boss final. Y'avait tous mes potes autour. J'étais face à mon double. J'ai essayé de le frapper, mais, à chaque fois, il me tapait deux fois plus. J'ai arrêté de le taper, il a arrêté de me taper, j'ai avancé vers lui, il a avancé vers moi, j'avançais vers lui, il avançait vers moi. J'avançais vers moi. On avait gagné.
(Voix off) J'ai repris l'ascenseur. C'est celui de ma vie. Bref, j'ai fait une dépression.
(Pote) ‒ Y'a quoi d'écrit sur le mot, alors ?
(Voix off) ‒ C'est pas c'qu'est écrit qu'est important. [ c'est le rappel que t'as compté pour quelqu'un ]
Excellent rappel que les pires choses arrivent quand les humains se prennent trop au sérieux au motif qu'ils seraient adultes alors qu'il se comportent mal, font des erreurs, comettent des fautes, etc. tout pareil que des enfants. C'est d'ailleurs l'un des arguments de Catherine Baker dans son livre qui plaide pour l'abolition de l'école et de la différence enfant/adulte. Il ne faut pas cesser d'être un gamin, jamais.
(Voix off) Bref, la première fois que j'ai vraiment été en couple, c'était avec mon ex. Un jour, elle m'a dit :
(L'Ex) ‒ Tu fais quoi ce soir ?
(Voix off) J'ai dit : ‒ rien.
(Voix off) Elle m'a dit : ‒ moi non plus.
(Voix off) J'ai dit : ‒ on le fait ensemble ?
(Voix off) Elle m'a dit : ‒ OK.
(Voix off) Voilà : être en couple, pour moi, c'est pas se marier, emménager ensemble, ou changer de statut Facebook. C'est décider que quand on a rien à faire, on le fait à deux.
(Voix off) La première fois qu'on a rien fait ensemble, on a rien fait. Mais c'était bien, parce qu'on était amoureux. Les dix fois suivantes on s'est avoué des trucs :
(Voix off) ‒ En fait, dans ma tête, des fois, y'a une voix qui…
(Voix off) La onzième fois, on a rigolé. Et puis, un jour :
(Voix off) ‒ Viens, on fait une cabane [ avec des draps ].
(L'Ex) Ouiiii
(Voix off) On a fait les gamins.
(Voix off) Bonjour madame, c'est très beau, chez vous.
(L'Ex) ‒ C'est pas chez moi, c'est chez l'ours.
(Voix off) ‒ Chuuut
(Voix off) Quand t'es en couple, tu retombes en enfance. On passait nos journées à jouer. On jouait avec la nourriture.
(L'Ex) ‒ Je vais appeler l'ours !
(Voix off) On regardait des films qui font peur en mangeant des bonbons. On jouait à chat. À la barbichette. Et à n'importe quoi.
Le téléphone sonne
(L'Ex) ‒ Attends. Décroche. Allo, oui ? Oui bah j'arriverai à 8 h lundi, c'est pas très grave. Se retourne vers la voix off qui l'embête MAIS ARRÊTEEEE ! Oui, voilà, au revoir. Raccroche Tu m'as embêté, j'vais appeler l'ours !
(Voix off) C'était les meilleurs moments. Et puis, un jour, on a trop fait les adultes.
(L'Ex) […] Putain mais grandit, quoi !
(Voix off) Tu sais quoi, je t'ai jamais aimé ! … … … … Attends, c'est pas ce que je voulais dire.
Séparation, avec les deux enfants intérieurs qui regrettent la décision des """"adultes"""".
(Voix off) Bref, on était des gamins.
(Fille) voix off lui met de la purée sur le nez ‒ Putain, mais t'es con ! Un vrai gamin, ma foi, putain !
(Enfant intérieur de voix off) ‒ Je l'aime pas trop, elle.
Une belle définition de l'amour. Un collègue m'a exposé que ça représente également bien les couples qui se sont séparés mais qui s'aiment toujours, car, en général, la rupture est liée au quotidien, à l'organisation quotidienne de la vie commune devenue impossible ("t'as encore oublié d'aller faire les cours !", "t'as pas fait la vaisselle", etc.), pas à un manque d'amour. Ainsi, des ex-couples se retrouvent pour revivre les émotions d'antant, pile ce qu'illustre cet épisode.
(Voix off) Bref, à partir du jour où mon père a quitté ma mère, il a tout fait pour être jeune. Il mettait des slims, des baskets, et même des slims avec des baskets. Il faut comme s'il aimait les groupes dont il n'arrivait pas à prononcer le nom […]. Il s'était créé un compte Facebook, avait ajouté mes copines en amies et les draguait dans Farmville. Il avait un iPad qu'il utilisait à 1 % de ses capacités […]. Quand je suis venu vivre che lui, c'est devenu invivable. Dès que je m'absentais, il téléchargeait des virus, porno.exe, bigboobs.exe, blowjob.exe, et il niait en bloc […]. Quand je partais, il me disait « tu vas en discothèque ? ». Quand je revenais, il me disait « alors, t'étais en discothèque ? ». Il essayait d'utiliser des expressions de jeunes, mais il n'y arrivait pas […]. Il draguait à l'ancienne. Il faisait du charme aux serveuses dans les p'tits restaurants. Il faisait son regard « je suis un homme, et j'ai une voiture ». Il laissait des pourboires. Parfois, ça payait, mais ça lui coûtait cher […].
(Voix off) Un jour, j'lui ai demandé un service. Il m'a dit qu'il avait un truc plus important à faire. Ça puait le mensonge. À tous les coups, il allait voir une meuf. Du coup, j'ai regardé dans l'historique. Il avait réservé une chambre d'hôtel pour deux en plein après-midi. Ça m'a énervé. Je l'ai attendu [ à l'hôtel ]. Il est arrivé. je suis allé le voir. J'ai dit : ‒ c'est ça ton truc important ?!
(Père) ‒ Mais qu'est-ce que tu fous là ?!
(Voix off) On s'est engueulé. Un moment, j'ai dit : ‒ t'as quitté maman pour des petites jeunes qui en veulent qu'à ton argent.
(Père) ‒ Mais ça n'a rien à voir avec le fric !
(Voix off) Le réceptionniste a dit : ‒ votre chambre habituelle, monsieur ?
(Voix off) ‒ Tu sais que maman t'aimes toujours ?
(Père) ‒ Mais moi aussi, petit con ! Quand j'ai rencontré ta mère, on a couru sous la pluie. Je lui ai offert des trucs de merde qui avaient plus de valeur que ce que j'ai pu lui offrir avec de l'argent. On allait nulle part en chantant à tue-tête dans ma vieille voiture cabossées. Une fois, j'ai écrit « je t'aime » par terre tous les 3 mètres, de chez elle à son arrêt de bus, comme ça, pour qu'elle sourie un matin. J'ai des centaines de souvenirs avec elle. Alors arrête de me juger ! La fille qui m'attend là-haut, c'est ça mon truc important. Mon truc important, c'est de retrouver ça.
(Voix off) J'ai rien dit. Je l'ai regardé. Il m'a regardé. J'ai baissé les yeux. Il est parti. […]
On entrevoit la mère dans la chambre d'hôtel.
Illustration du dilemme "couple amoureux versus liberté individuelle". Chacun à ses avantages et inconvénients. Dommage que cet épisode n'illustre pas assez la nécessité de pratiquer le "1 + 1 = 3" plutôt que le "1 + 1 = 2" : il y a la vie de couple, mais aussi les deux individus qui ne doivent pas fusionner, qui doivent rester des identités distinctes avec des activités distinctes qui devront composer avec l'identité commune "le couple" afin que l'amour et la liberté individuelle perdurent.
(Liberté) ‒ Viens, on va draguer des filles. On n'a qu'à acheter des Transformers. Ou alors, on se balade juste pour se balader. Ho, non, viens, on mate les trois Retour vers le futur en slip.
(Voix off) Bref, lui, c'est ma liberté. Quand je suis célibataire, il traîne tout le temps avec moi.
(Pote) ‒ Venez les mecs, on s'en bat les couilles, on part à la mer !
(Liberté) ‒ Wouhoouu !
(Voix off) Quand je suis bourré, il me dit : « Bois ! ». « Plus ! ». « Vomit où tu veux ! ». Après, il me dit : « Hé, tu devrais dire à tous ces gens que tu les aimes, et montre ton cul après ».
(Voix off) On s'voit le soir, car, la journée, mon patron essaye de le tuer.
(Patron) Y'a ça à faire avant demain matin.
(Voix off) Et le pire, c'est quand je me pose avec une fille. Au début, on est bien tous les trois. Et puis petit à petit…
(Fille) ‒ T'as pas fait la vaisselle ?!
(Voix off) … il s'éloigne…
(Fille) ‒ Tu pourras virer tes trucs périmés là ?
(Voix off) … beaucoup…
(Fille) ‒ Ha, au fait, ce week-end, on va chez mes parents
(Voix off) … beaucoup trop. Et puis un jour…
(Pote) ‒ Hé, venez les mecs, on s'en bat les couilles, on part à la mer !
(Fille) ‒ Ho non, j'ai pas pris mon produit à lentilles.
(Voix off) … il disparaît. Du coup, elle le remplace. Des fois, c'est chiant…
(Fille) ‒ Non, bois pas,
(Voix off) … les deux sont enlacés des fois, c'est cool, des fois, je le retrouve sur Internet regarde un site porno, et des fois, il demande à mes potes de m'apeller
(Voix off) ‒ Non, ça ne me dit pas trop, là, désolé les gars. Ouais, passez une bonne soirée, salut.
(Fille) fellation - c'était qui ?
(Voix off) ‒ T'inquiète.
(Voix off) Mais… je ne suis pas libre. Bref, j'suis en couple.
(Voix off) au téléphone Ouais ma chérie, ouais, ouais non mais profite si t'es avec tes copines, tu es libre, j't'embrasse.
(Voix off et Liberté) jouant aux Transformers