La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, le jure à longueur d’interviews : non, la réforme de l’accès à l'université adoptée à la fin de 2017 n'instaurera aucune sorte de sélection. Les facs ne feront qu'exiger des étudiants des « attendus ». Quèsaco ? Les « attendus » sont « les compétences et les connaissances nécessaires » pour entrer en licence universitaire. L’Etat a dessiné un « cadrage national », mais les facs peuvent définir elles-mêmes leurs propres « attendus locaux ».
Une brève virée sur Parcour-sup — la nouvelle plateforme d’admission dans l’enseignement supérieur, sur laquelle les postulants sont invités à formuler leurs vœux — suffit à constater que les fameux « attendus » ressemblent à s’y méprendre à une sélection qui ne dit pas son nom.
Ainsi les postulants à la licence en droit ont-ils la surprise de découvrir sur ce site des questions à choix multiples telles que « Comment a évolué la situation juridique des enfants nés par GPA ? » ou « Quelle définition correspond le mieux au concept de décentralisation ? ». Autant de colles contenues dans un « questionnaire d’auto-évaluation de droit » de 25 questions, auquel les futurs étudiants doivent « impérativement répondre avant de valider une candidature en droit ».
Il est solennellement assuré sur la plateforme que « les résultats ne seront à aucun moment pris en compte dans le traitement » des candidatures. Alors, pourquoi les facs en ont-elles « impérativement » besoin ?
L’université Paul-Valéry-Montpellier souhaiterait, pour sa part, que ses aspirants à la licence en sociologie soient déjà des mini-Bourdieu ! Parmi les « compétences » qui leur sont demandées, la « mobilisation des concepts de la discipline (action sociale, communauté, déviance, espace public, institution, mobilité sociale, norme, représentation, socialité, tradition...) » ou la « réalisation d’études collectives et individuelles sur des faits sociaux contemporains ». C’est tout ? A l’université Lumière-Lyon-II, les « attendus » requis pour la licence en droit puisent dans… la littérature. « Jeune personne imaginative (le droit n’est-il pas “la plus puissante des écoles de l’imagination”) et cultivée, l’étudiant⋅e du portail Droit est moins soncieux/se de séduire Mmes Arnoux ou de Nucingen que de comprendre le fonctionnement du monde contemporain (…). » Le béotien ignorant que Mmes Arnoux et de Nucingen sont des héroïnes de Flaubert et de Balzac sera-t-il recalé d’entrée ?
Mauvaise foi du Canard : une recherche sur un moteur de recherche web permet de savoir qui sont ces mesdames en moins de 30 secondes. Tout au plus peut-on écrire que cet attendu sert à discriminer les feignasses selon Macron.
Quelle idée, aussi, de s’inscrire en licence en droit sans avoir en poche une agreg en lettres classiques !
Bien que je suis opposé à toute forme de sélection à tout stade de la scolarité, je n'ai pas compris la polémique actuelle, car, selon moi, la sélection dans l'enseignement supérieur a toujours existé sans dire sans nom. Exemples :
So, what?
Dans le Canard enchaîné du 31 janvier 2018.