Le statut zone fibrée est une saloperie d'initiative parlementaire introduite via la loi Macron (et complétée dans la loi pour une République Numérique). L'ARCEP pourra décerner une sorte de label à un périmètre géographique donné et/ou à un opérateur télécoms donné. Ce label marque le fait que, dans ce périmètre géographique défini, le déploiement des réseaux fibres optiques est suffisamment avancé pour que la fibre devienne le nouveau réseau de référence. Plusieurs obligations ou levées d'obligations pourront être greffées à ce statut. Pour l'instant, la seule qui est définie dans la loi, c'est qu'il n'est plus obligatoire de poser une ligne cuivre dans les nouvelles habitations situées dans une zone fibrée, mais l'ARCEP prévoit déjà l'extinction du réseau cuivre ou la fin des tarifs régulés sur le cuivre. Ce statut peut uniquement être lu comme quelque chose à même de fermer le marché, à évincer les petits opérateurs cuivre de la fibre optique et de cristalliser les positions dominantes.
Observations de la FFDN :
- Puisque le déploiement de la fibre est aujourd'hui plus avancé dans les grandes métropoles que dans les campagnes (par choix politique de laisser se faire le business au détriment d'une forme d'intérêt général), ce sont ces grandes métropoles, déjà attractives, qui seront mises en lumière. Cela accentue l'idée que nos terroirs sont dénués d'intérêt au lieu de les mettre en valeur. Il serait peut-être plus utile de valoriser les démarches visant à fibrer la cambrousse… Par là, et par le fait que le statut est facultatif, on accroît la fracture numérique : il y a les bouts de territoires où les droits et obligations liés à l'obtention du statut fibre sont appliqués et le reste de la France. Il n'y a donc plus un même accès à Internet sur l'ensemble du territoire national.
- Les marchés cuivre et fibre ne sont aujourd'hui pas substituables : il n'y a pas, sur la fibre optique, la même variété d'offres que sur le cuivre et les petits opérateurs (TPE-PME) ne sont aujourd'hui pas assurés de pouvoir opérer sur le réseau fibre. C'est notamment pour cela qu'il faut des offres de gros passives et activées (bitstream), sinon les petits opérateurs seront évincés du marché alors qu'ils apportent souvent des services de proximité indispensables (suivi client⋅e humain, couverture de déserts par des offres adaptées à la topologie du territoire, autres motivations que la recherche du profit à tout prix, etc.).
- Ce statut favorise la compétition forcenée entre les acteurs alors qu'il y a besoin, pour déployer la fibre optique sur l'ensemble du territoire, de coopération entre une multitude d'acteurs, dont les opérateurs télécoms. Cette compétition forcenée fermera le marché car les réglementations seront suivies a minima et les systèmes d'information seront incomplets. Tout sera fait pour choper du statut zone fibrée, pas pour faire un déploiement sain.
- Ce statut n'est pas pensé pour être lisible et compréhensible par le plus grand nombre, il est pensé pour satisfaire les opérateurs en position dominante. En effet, dans certaines zones, le statut signifie qu'un opérateur désert la zone, alors que, dans d'autres cela signifie qu'un réseau est posé et que un ou plusieurs opérateurs peuvent venir proposer des services dessus. Le statut devrait, au contraire, être cohérent sur l'ensemble du territoire et signifier partout qu'il reste uniquement à câbler les derniers mètres, entre le "poteau télécoms" et l'habitation et que plusieurs opérateurs sont en capacité de desservir la grande majorité des habitations de la zone dans un délai convenable (qui ne soit pas un frein à un déménagement, par exemple).
- L'ARCEP ne doit pas dynamiser d'avantage le marché à destination des entreprises en regard de celui à destination des particuliers, mais doit porter la même quantité de son attention sur les deux marchés.
- Il manque une démarche d'amélioration à ce statut : il n'est pas prévu de révocation du statut si l'opérateur vient à manquer à ses obligations. L'ARCEP collectera semestriellement des indicateurs d'exploitation du réseau mais n'en fera rien…
- On dirait que l'ARCEP y va au chantage pour faire appliquer ses décisions de régulation : plutôt que de les appliquer fermement sur l'ensemble du territoire comme elle est censée le faire, elle espère que les opérateurs seront gentils et respecteront ses décisions en échange de l'obtention du statut zone fibrée… L'ARCEP doit rester vigilante et ferme sur les zones fibrées comme sur l'ensemble du territoire national. Elle ne doit pas non plus se décharger de son travail sur le cuivre car c'est durant les périodes de transition que les atteintes aux droits sont les plus importantes et les plus ravageuses. Illustration : la difficulté pour contracter des offres d’accès de gros activées sur le marché de l’ADSL des débuts a conduit plusieurs petits FAI établis sur le 56k à cesser leurs activités. Les FAI associatifs, comme FDN, ont vu leur nombre d’adhésions chuter. Parallèlement, le droit de l’utilisateur final à choisir son FAI a été réduit dans la pratique : il a fallu de nombreuses années pour retrouver sur l’ADSL un niveau de concurrence similaire à celui qui existait sur le RTC.
Sur un plan plus personnel, je suis heureux de constater que c'est la première réponse de la Fédération FDN à une consultation qui n'a pas été, in fine, validée par Benjamin Bayart. Si cela perdure, cela signifie que le groupe de travail de la fédération est en bonne santé. Je serai également attentif à ce que Quota Atypique ne devienne pas la nouvelle validatrice en cheffe : le travail au sein du groupe est censé être collaboratif et ça me paraît sain qu'il le soit, nous n'avons nul besoin de remplacer une personne centrale par une autre.