Gérald Darmanin vient de donner le top départ : le prélèvement à la source entrera en vigueur le ler janvier 2019. Moderne, rapide, indolore… c’est ainsi que le gouvernement de François Hollande avait vendu la réforme consistant à imposer les contribuables sur leurs revenus en cours, et non sur ceux de l’année précédente. Un progrès pour les chômeurs et les retraités, sans doute. En revanche, bonjour la corvée pour les entreprises, censées collecter l’impôt à la place du fisc !
Avant d’inscrire cette réforme dans le projet de loi de finances rectificatif, présenté au Conseil des ministres du 15 novembre, Gérald Darmanin a tenu à rassurer les entreprises qui devront s’équiper et se former au maniement de nouveaux logiciels de paie. Dans un rapport rendu le 10 octobre, l’Inspection générale des finances estimait le coût de l’opération entre 310 et 420 millions d’euros au démarrage, puis entre 60 et 70 millions d’euros annuels (formation, maintenance) en période de croisière. Sur la base d’autres études, la sénatrice LR Elisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises du Sénat, juge ces hypothèses « extrêmement optimistes » (« Les Echos », 30/10) et évoque, pour sa part, le chiffre de 1,2 milliard d’euros. A quelle source se fier ?
Autre sujet d’inquiétude pour les boîtes : les erreurs ! En cas de mauvaises déclarations, les employeurs, pris entre le marteau fisc et l’enclume salariés, risquent de lourdes amendes. Magnanime, Gérald Darmanin a annoncé une réduction des sanctions de moitié : 250 euros la « défaillance déclarative ». C’est quasiment soldé !
Taxe à la carte
Enfin, l’administration fiscale prendra à sa charge les coûts d’information des contribuables. Bel effort. Mais cela ne rendra pas le choix du taux d’imposition moins complexe. Après examen de la déclaration d’impôt, au printemps 2018, le fisc déterminera le taux d’imposition de chaque assujetti et l’adressera à son employeur. Le salarié soucieux de préserver sa vie privée pourra exiger l’application d’un taux « personnalisé », empêchant la direction de son entreprise de connaître la rémunération de son conjoint. Des fois que cela dissuade son patron de l’augmenter…
En ce qui concerne les revenus exceptionnels (patrimoine, héritage, droits d’auteur, etc.), le fisc puisera lui-même l’impôt correspondant. Deux collecteurs au lieu d’un seul : quelle simplification !
Bercy avait pourtant une solution beaucoup plus simpie dans ses tiroirs : taxer directement les contribuables par prélèvement mensuel. Mais, ainsi que l’inspection l’admet dans son rapport, l’administration fiscale n’a pas les capacités techniques de collecter ces sommes en moins de deux ou trois mois ! Or Bercy souhaite, grâce à cette révision, remplir ses caisses fissa. C’est même une idée fisc !
Dans le Canard enchaîné du 15 novembre 2017.