Rebaptisés “votations citoyennes”, les référendum bidon ont la cote. Anne Hidalgo en a même fait une spécialité parisienne.
Chez les élus locaux, cette nouvelle mode fait fureur. Une décision à prendre sur un sujet qui fâche ? Une petite panne de popularité ? Allez, hop ! une « votation citoyenne » ! Dernier exemple en date : pour tenter de faire oublier ses récents couacs, Anne Hidalgo a prévu. d’organiser, fin mai, un scrutin sur sa politique de lutte contre la pollution à Paris…
La maire ne court pas grand risque : l’appellation « votation citoyenne » ne recouvrant aucune réalité juridique, les organisateurs ont toute latitude pour définir la composition du collège électoral, les questions soumises au vote, voire l’organisation du scrutin (en mairie, dans la rue, sur Internet, au bistrot du coin…). Aucun recours n’est possible pour les mécontents. Les maires peuvent même décider de s’asseoir sur tout ou partie des résultats si ceux-ci ne leur conviennent pas. Open bar !
Electorats sur mesure
Ces derniers mois, ces votations citoyennes ont été accommodées à toutes les sauces, a droite comme à gauche. Les maires de Metz, de Nancy, du Grand-Quevilly, de Creil ou de Thionville en ont organisé pour régler la délicate question des rythmes scolaires. D’autres, à Paris ou à Grenoble [NDLR : ou à Rennes ou à Strasbourg ou à… ], y ont eu recours pour mettre en œuvre des « budgets participatifs » (les citoyens sont invités à proposer des projets qui seront financés et mis en œuvre par la ville). A Nantes, les projets d’urbanisme de la métropole vont être soumis à la même procédure.
J'ai déjà exposé pour quelles raisons je trouve les budgets participatifs fondamentalement anti-démocratiques.
La plupart du temps, la participation à ces consultations est très faible. Dans le XIXe arrondissement de Paris. le réaménagement de l’avenue de flandre a été décidé par 1 900 votants… sur plusieurs dizaines de milliers de citoyens concernés. En 2015, à Valenton (Val-de-Marne), 871 personnes (sur 15 000 habitants) se sont prononcées sur une sombre histoire de découpage administratif. Une poignée d’électeurs qui a suffi au maire PC pour faire fléchir le gouvernement… A Paris, Anne Hidalgo espère entre 100 000 et 150 000 votants sur… 2,2 millions de résidents. Sauf que des petits grains de sable menacent de gripper la machine. Une équipe municipale vient de tester les bulletins qui seront proposés aux Parisiens sur les marchés et dans les rues. Les résultats sont cruels.
Mauvais argument du Canard car à ce jeu-là, je peux prétendre que les dépûté⋅e⋅s actuels ont été élus par moins de 29 % des habitant⋅e⋅s de France… Ça élude les non inscrit⋅e⋅s et les abstentions…
Plébiscites en loucedé
Dans un rapport rendu le 9 avril, les fonctionnaires reconnaissent que certains cobayes interrogés ont eu — quelle idée ! — l’« intuition d’un coup de com’politique ». D’autres ont souligné que ce vote avait « perdu de son sens », puisque l’Hôtel de Ville leur demandait de se prononcer sur des dossiers déjà tranchés par le Conseil de Paris. lnsupportable, cette suspicion…
Les budgets participatifs ont aussi cette caractéristique…
Les mauvais coucheurs n’ont pas apprécié non plus de ne pouvoir répondre par oui ou par non, comme cela est d’usage dans un vrai référendum.
La Mairie les a juste invités à indiquer les actions qu’ils jugeaient prioritaires parmi celles que la Ville avait déjà décidées (alimentation, économies d’énergie, gestion des déchets, interdiction à terme des véhicules polluants).
En gros, ils peuvent choisir entre « Bravo ! » et « Encore ! ». C’est la démocratie pour les nuls…
Gros gros gros +1.
Dans le Canard enchaîné du 25 avril 2018.