C'était sur ma liste de choses à faire depuis plusieurs années : en décembre 2019, j'ai adhéré à un syndicat professionnel de salariés.
Je ne vais pas m'étendre sur l'utilité d'adhérer à un syndicat professionnel. Défendre les droits des employés. Protéger les employés. Surtout qu'on a une médecine du travail - pour les cas de violence et de harcèlement - et une inspection du travail volontairement affaiblies (suivre les liens). Dénoncer tout ce qui ne va pas sur nos lieux de travail, y compris les actions sans éthiques qui sont hors des conditions de travail. Organiser autrement le travail. Avoir des gus formés au droit du travail, au rapport de force, à la mobilisation. Avoir des gus payés pour produire des analyses des projets de loi et des projets des employeurs. Ensemble, on est plus fort. Tout ça.
Quand tu vois que même les auto-entrepreneurs livreurs de cochonneries (Deliveroo, Uber, etc.) ont leur syndicat…
Quand je lis que les Gilets jaunes ont ringardisé le syndicalisme, qu'ils ont obtenu, en quelques mois, des avancées jamais décrochées par les syndicats, je me marre en pensant qu'ils ont rien gagné sauf du bluff et un futur (prétendu) trou de la Sécu.
À ceux qui me disent « qu'on n'est plus 100 ans en arrière », qu'il n'y a plus rien à défendre / gagner, je réponds : casse-toi pov' con ! Va dire ça aux travailleurs pauvres ! Va le dire aux seniors sans emploi ! Faut être un teubé sans empathie enfermé dans sa bulle pour penser ça. Il y a encore des combats à mener comme travailler beaucoup moins (pour répartir mieux le taff, mais c'est secondaire) ou arrêter les bullshit jobs (que les gains de productivité couplés à un temps de travail inchangé ont fait naître) ou réduire les accidents sur les lieux de travail et liés au travail (suicides à France Télécom, bonjour). Etc.
Alors ouais, il y a des syndicalistes profiteurs et/ou magouilleurs et/ou qui font passer leur intérêt personnel avant l'intérêt commun. Ouais, y'a des gens comme ça partout. Parmi nos patrons. Dans nos familles. Parmi les élus de notre Ripoublique. Dans nos associations. Dans nos loisirs. Bref, partout. Pourtant, tu continues de voter, de travailler, de fréquenter des associations et ta famille, etc. Deux poids, deux mesures ? Les formules toutes prêtes qui dénigrent les syndicats, c'est comme celles qui t'incitent à être propriétaire : elles font partie de l'hégémonie culturelle, c'est-à-dire l'imaginaire créé par les dominants de la société pour t'arnaquer.
Alors ouais, parfois les syndicats semblent inutiles… Comme trouzemilles autres trucs que tu continues pourtant à faire.
J'ai choisi d'adhérer à la CGT. En tant que plus vieux syndicat professionnel de France, elle a une histoire (genre ça, même si c'est anecdotique) et une culture des luttes sociales, de la répression, etc. Elle a une pensée politique, un projet de société : l'anarcho-syndicalisme c'est-à-dire peser sur les conditions de travail et sur la vie de la cité en restant éloigné des partis politiques. D'où l'idée de grève générale que l'on retrouve dans les cortèges CGT. Même s'il faut reconnaître que cette origine est un peu diluée dans la CGT moderne…
Il était hors de question que j'adhère à un syndicat réformiste. Le but d'un syndicat n'est pas de négocier mollement. Le but d'un syndicat n'est pas d'être un partenaire social modéré comme le veut la pensée politique dite social-démocratie, mais d'être une force politique dotée d'un projet de société. J'aime beaucoup le comportement global de la CGT qui est de créer un rapport de force avant de discuter éventuellement. Je trouve cela très sain. Je pense aux coupures d'électricité, aux sabotages, etc. Ouais, on pourra me citer des exemples de faiblesses de la direction de la CGT comme sur la loi Travail de 2016 (faiblesse non suivie par la base ni par les fédérations). Et ?
Je voulais un syndicat représentatif au niveau national, car il faut pouvoir assister aux réunions gouvernementales, avoir un nez dans l'Unédic (assurance-chômage), avoir un pied dans toutes les portes, etc. Ça ne veut pas dire qu'il faut assister à chaque réunion et faire les gentils toutous en suivant les règles d'organes pourris, non, juste être en capacité de pouvoir y aller par pure stratégie si on l'estime nécessaire dans le cadre d'une lutte. Ce critère exclu mon syndicat de cœur, la CNT.
J'avoue aussi qu'il y a de l'affect dans ma décision. Par simplicité, je voulais l'un des syndicats existants sur mon lieu de travail. Avec une histoire et qui satisfasse tous les critères précédents, certes, mais ce qui a aussi joué, c'est la proximité avec un camarade CGT de mon service qui a pris le temps de répondre à mes questions.
Ouais, je sais, la CGT c'est aussi les 60 k€ de rénovation du bureau de l'ex-secrétaire général Lapeon, les 100 k€ de rénovation de l'appart' de fonction de l'ex-secrétaire Lapeon, la nomination de l'ex-secrétaire Lapeon comme délégué interministériel à la langue française, des histoires de sous avec le droit à la formation des saisonniers agricoles, et des comportements autoritaires et non-conforme au droit du taff (Martinez purge la CGT comme un vrai libéral et La CGT combat héroïquement ses ennemis de l’intérieur). Et ? En matière de syndicalisme, la pureté n'existe pas.
Hier, j'ai découvert, par hasard, cette vidéo d'Usul : La revanche des syndicats. J'en recommande vivement le visionnage. Elle m'a aidé à trouver les mots pour écrire ce shaarli.
Bref, j'ai encore beaucoup à apprendre sur le syndicalisme (histoire, fonctionnement, etc.). Je t'encourage vivement à te syndiquer.