Un décret vient de dispenser certains contrats de toute publicité. Pourquoi se compliquer la vie ?
Les marchés de moins de 100 000 euros passés sans mise en concurrence et sans même la moindre publicité préalable ? Cette pratique relevait, jusqu’à présent, des tribunaux correctionnels. Depuis le 26 décembre 2018, elle est parfaitement légale !
Le décret 2018-1225, signé par Edouard Philippe et par Bruno Le Maire, stipule qu’à « titre expérimental, pour une période de trois ans », les acheteurs n’auront plus à publier la moindre annonce ou à décrocher leur téléphone avant de passer un marché public.
La procédure est applicable, pour l’instant du moins, aux montants inférieurs à 100 000 euros hors taxes et concerne les seuls « travaux, fournitures ou services » dits « innovants ». Un adjectif fourre-tout qui peut englober des emplettes aussi diverses que l’acquisition de trottinettes, de logiciels, d’outils ou d’ustensiles en tout genre…
L'opacité de la transparence
Au nom des bons principes, les rédacteurs du décret ont ajouté que les acheteurs devraient tout de même veiller « à choisir une offre pertinente, à faire un bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique ». Les petits malins soucieux de rester irréprochables sont donc priés de faire affaire alternativement avec leur beau-frère, leur cousin et leur tonton…
Grâce à cette innovation, les contribuables qui voudront contrôler les marchés publics passés par leurs élus vont se retrouver dans le noir complet. Certes, la loi a prévu que les contrats passés sans publicité devraient être déclarés auprès de l’Observatoire économique de la commande publique. Mais celui-ci garde ses observations pour lui : son site Internet ne propose aux curieux ni moteur de recherche ni liste de marchés.
Contacté par « Le Canard », le cabinet de Bruno Le Maire affirme que les « données essentielles » de ces marchés seront publiées après coup par chaque donneur d’ordre sur sa « plateforme d’achat ouverte à tous ». Sauf que, vérification faite, les plateformes en question sont quasi inaccessibles au commun des mortels. A commencer par celle du ministère de l’Economie, que seules les entreprises sont autorisées à consulter.
Ce brouillard comptable est décidément très innovant…
Dans le Canard enchaîné du 16 janvier 2019.