Déjà, pourquoi en parler en anglais ? Utiliser l'anglais quand des termes parfaits existent en français (selon le cas : mensonge, désinformation, tromperie, propagande), c'est toujours pour brouiller les pistes, pour gêner la réflexion. Ici, le but de ceux qui utilisent cet anglicisme est clair : faire croire qu'il s'agit d'un phénomène nouveau (alors que le mensonge est aussi ancien que la communication), et laisser entendre qu'il est spécifique à l'Internet. Ceux qui brandissent le terme de fake news à tout bout de champ sont en général ceux qui n'ont jamais digéré que l'Internet permette l'accès à d'autres sources d'information.
Les médias qui se veulent officiels ont en effet une classification simple : ce qu'ils écrivent, c'est la vérité, le reste, ce sont des fake news. Regardez par exemple ce titre incroyable sur les « médias légitimes » (les autres sont-ils « illégitimes » ?). Et le reste de l'article est à l'avenant, considérant qu'il n'y a rien entre « médias traditionnels » et « rumeurs ».
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Par exemple, le problème est souvent présenté de manière binaire : il y a le vrai (les discours du Président de la République, les éditoriaux du Point, les communiqués de la Préfecture de Police) et le faux (le reste). En réalité, entre les mensonges les plus énormes (les armes de destruction massive de Saddam Hussein, par exemple) et les vérités les plus incontestables (le Soleil se lève à l'Est), il y a de la place pour beaucoup de choses, qu'on ne peut pas ranger dans deux catégories bien distinctes. Il y a les faits dont on n'est réellement pas sûrs, ceux où l'analyse est complexe (le « trou de la Sécu »), et des opinions, qui sont variables, sans que certaines soient vraies et d'autres fausses. C'est pour cela que réguler les fake news par la loi (comme exigé par Macron) est dangereux : on passe vite de la lutte contre les fake news à celle contre les opinions qu'on n'aime pas […]
Mais les mensonges et la désinformation, ça existe bien, non ? Oui, cela existe, et cela existait bien avant l'Internet, Facebook et RT. Mais, d'abord, c'est pratiqué par tous les « camps ». Voir les hommes politiques réclamer une lutte contre les fake news, c'est amusant. Si on interdit les mensonges, les campagnes électorales vont être bien silencieuses. […]
Ensuite, le fait qu'il y ait des mensonges (Sputnik et Breitbart les alignent en quantité impressionnante) ne signifie pas que toute révélation d'un média non-officiel soit un mensonge. De même que l'existence de ridicules complotistes ne veut pas dire qu'il n'existe pas de vrais complots. (Mon exemple favori est l'Iran-Contra Gate.)
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L'important, plutôt que les mouvements de menton (« il faut une loi contre les fake news ») ou que les avis dangereux (« il ne faut croire que l'information officielle ») est de développer les capacités d'analyse critique (« critique » au sens de « penser par soi-même », pas au sens de « jamais d'accord »). Cette capacité d'analyse critique doit s'exercer contre tous les médias et toutes les sources d'information, pas uniquement Internet, habituel grand méchant dans les discours des gens au pouvoir.
[…] La plus importante me semble la capacité à juger de la provenance de l'information. Si quelqu'un dit « j'ai trouvé cette information sur le Web », c'est clairement un problème (il n'a même pas identifié le site sur lequel il était). Il y a déjà un gros travail à faire en ce sens (lire un URL, comprendre un nom de domaine, distinguer le Web et Facebook…) avant d'espérer un progrès.
Gros gros +1. Cela rejoint mon avis.