Branchée en 2009 par Sarko, la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij) souffre toujours de surdité partielle… Ça tombe mal : depuis le 12 septembre, son utilisation est devenue obligatoire pour tous les flics ! Ce qui ne l’empêche pas de coûter un bras aux contribuables. Au départ, la mise en service de ce système centralisé d’écoutes ordonnées par des juges et administrées par Thales était évalué entre 15 et 40 millions d’euros. La douloureuse dépasse aujourd’hui les 181 millions. Non mais, allô, quoi !
Jusqu’au 12 septembre. les poulets pouvaient obtenir une écoute directement auprès des opérateurs téléphoniques - avec l’aval d’un magistrat. Désormais, toute demande doit être adressée à la Pnij. Sauf que « ça ne marche pas » se lamente un gradé de l’antiterro. « Le gouvernement veut une nouvelle loi pour chasser les barbus, mais on est incapable de faire avec ce qu on a ». Barbant!
Un propos qui n’est ni radical ni isolé ! Le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (affilié à la CFDT) vient de réclamer au Parlement une commission d’enquête sur les failles opérationnelles de cette tuyauterie. La Cour des comptes s’était déjà penchée sur la question en avril 2016. Soulignant le coût exorbitant de l’outil et s’interrogeant sur le bien-fondé d’une gestion confiée à Thales, elle s’était alarmée des bugs à répétition, susceptibles de compromettre des enquêtes judiciaires. En écho, Manuel Valls avait déclenché… un audit. L’arme fatale ! Ses conclusions demeurent secrètes. Mais « Le Canard » a repéré quelques trous dans le filet. Premier exemple : les garnements utilisant pour leurs conversations téléphoniques un opérateur mobile virtuel (autre que les « grands », tels Orange, SFR ou Bouygues…) ont toutes les chances d’échapper aux grandes oreilles.
Ne quittez pas !
Deuxième exemple : impossible, en passant par la Pnij, d’obtenir la géolocalisation dæ suspects. Troisième exemple : une écoute réalisée dans le cadre d’une enquête préliminaire (sous la responsabilité du parquet) ne peut être réutilisable si la même enquête atterrit entre les mains d’un juge d’instruction ! « Si j’ai “branché” deux individus dans deux enquêtes différentes et que je soupçonne qu’il s’agit de la même personne, explique un commissaire de police judiciaire, je ne peux même pas comparer les voix. » De quoi rester atone.
Le tout, évidemment, sans parler des pannes et des plantages en série, que « Le Canard » a déjà plusieurs fois évoqués. Heureusement, l’Etat et Thales ont tout prévu : un centre de secours, une sorte de « Pnij bis ». Installé où ? A Elancourt, pile-poil sur le site de la « vraie » Plateforme.
Sans doute pour éviter les problèmes de branchement…
Dans le Canard enchaîné du 27 septembre 2017.