Deux installateurs viennent présenter leurs « produits » et effectuer l'« installation » chez une mère de famille qui cache son enfant dans la salle de bain (je ne me souviens pas qu'un motif est donné).
J'ai bien aimé cette pièce. On passe de tirades sérieuses à des mini-chants et gestes absurdes.
À partir de maintenant et jusqu'à la fin de ce shaarli, je dévoile des éléments de l'intrigue.
Au début, le jargon politicien et administratif claque : ladite « installation » a été rendue obligatoire par une « directive » du gouvernement dans un « objectif patriotique ». Il faut « collaborer », sinon l'installation peut prendre du temps. Chacun doit y mettre du sien.
On est un peu dans une œuvre de Kafka : que reproche-t-on à cette femme, au peuple dont elle fait partie ? L'installation de quoi ? Elle ne sait pas.
Tout y passe : peur économique (chômage, marchés financiers aux commandes, etc.), peur sociale (les installateurs expliquent que les voisins ont peur, qu'ils rentrent chez eux sans traîner et n'en sortent que pour aller au travail, etc.), peur de l'agression sexuelle et de la menace physique, peur pour son enfant, etc. La peur du terrorisme est évoquée sous forme de boutade ("à qui cela fait-il encore peur ?!"). La pandémie de Covid est effleurée, uniquement pour la comparer à celle des marchés financiers.
La violence du gouvernement est évoquée uniquement à travers les propos des installateurs qui laissent entendre qu'il est omniprésent. Pourquoi ne pas avoir évoqué plus frontalement cette violence (violences policières chez nous, condamnation à mort pour des actes politiques ailleurs, etc.) ? La surveillance par la technologie (caméras, bidules connectées, etc.) est trop peu évoquée. Idem pour la surveillance sociale croisée (tout le monde surveille tout le monde).
La fin est intéressante. L'un des installateurs veut aller aux toilettes et découvre l'enfant dans la salle de bain. La femme le tue, sermonne son collègue, et le tue aussi. Son gamin était la ligne rouge à ne pas franchir. Elle avait accepté tant de peur et de contraintes, mais en échange, on devait laisser son gosse en paix. C'était le deal, peut-être même le contrat social. Au fond, chacun de nous a sa ligne rouge. Dont le piétinement par autrui nous donne le courage pour faire face, pour résister. C'est un joli message d'espoir auquel je crois. J'aimerais que le point de rupture de mes compatriotes soit moins élevé.
Petite incohérence tout de même : au début, le même installateur demande déjà à aller aux toilettes, se fait déjà débouter, et convient avec son collègue (et supérieur hiérarchique) de se soulager "à la camionnette". Pourquoi avoir forcé la salle de bain la deuxième fois ? Savaient-ils ?