Notes :
* L'invisibilité / la visibilité que l'on peut aussi désigner comme étant la reconnaissance sociale versus le mépris offre une grille de lecture complémentaire à la lecture habituelle en lutte des classes / utilitarisme (c'est utile donc valorisé et ça va percer, en gros).
* Invisible signifie qu'une problématique, un besoin n'est pas dans le prisme des politiques sociales, des stats, des rapports. Est-ce que le débat est arrivé sur la place publique ou non.
* Cas très concret d'invisibilité négative : lors de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, l'hôpital psychiatrique situé à 150 mètres de l'usine et qui a été soufflé par l'explosion sera gommé des cartes géographiques et du débat dans la presse avant d'y entrer 3 semaines plus tard.
* L'invisibilité peut aussi être un vecteur d'action sociale, un refuge ou une manière différente d'appréhender la vie sociale. Exemple d'invisibilité positive : le mouvement Anonymous qui veut faire transcender des idées plutôt que des personnalités dans ses combats. C'est aussi le cas des actions locales qui recréent de la solidarité, du lien social pour dépatouiller des invisibles sans avoir recours à l'État & co.
* L'invisibilité est forcément une question de perception, de visibilité par les institutions établies.
* Notre société a connu un changement de paradigme entre la fin des 30 glorieuses et aujourd'hui : le passage d'une vision des rapports sociaux orientée sur la compassion et l'assistance (exemples : RMI en 1988 ou la fracture sociale comme thème de la campagne présidentielle de 1995) à une émanation de l'idéologie néo-libérale selon laquelle l'individu, autonome et responsabilisé doit trouver seul son chemin et acquérir, par lui-même, les compétences pour s'en sortir par lui-même.
* Ce changement de paradigme de société éclipse tout un tas de questions. Exemple : si le chômage devient structurel (robotisation), que fait-on des millions de personnes qui ne pourront alors jamais trouver un emploi ? La responsabilisation individuelle conduit à la stigmatisation qui explique, en partie, le non-recours à des droits sociaux (exemple : j'ai le droit à des prestations sociales mais je n'en profite pas volontairement pour pas me faire taxer d'assisté ni avouer un échec personnel). Elle empêche également de penser à une émancipation collective. Au bout du bout, l'individu ne voit plus l'intérêt de se faire représenter collectivement. On constate cela avec le très faible pourcentage de salariés syndiqués même parmi les ouvriers (classe dans laquelle les syndicats étaient très puissants) ou bien encore dans l'absence de participation au débat public de la part des citoyens.
Fri Mar 4 06:03:08 2016 - permalink -
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http://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-vagues/l-invisible-15-l-invisibilite-comme-grille-de-lecture-sociale