Incroyable ! Le respect de la vie privée n’est pas garanti sur Facebook ! On aurait pourtant juré le contraire… Le géant américain lui-même ne peut pas le croire : les données personnelles de 50 millions d’Américains ont atterri dans les mains d’une drôle de boîte de com’ britannique, Cambridge Analytica, qui travaillait pour Trump pendant la campagne présidentielle.
Les révélations du « New York Times » et du « Guardian » tombent à pic et ont surtout fait chuter le cours de Bourse de cette belle entreprise du Web (moins 6,8 %, soit l’équivalent de 24,3 milliards d’euros !).
Facebook est soupçonné d’avoir laissé filer des centaines de millions d’informations sur les électeurs américains. Le pire serait de découvrir que cela lui a rapporté de l’oseille, il faut s’attendre à tout !
A partir d’un simple questionnaire présenté comme un « test de personnalité », mais auxquels seuls les titulaires d’une carte d’électeur étaient invités à répondre, Cambridge Analytica a pu récupérer ces masses d’infos sur 270 000 adeptes de Facebook, mais également sur leurs « amis », ce qui a fait exploser les compteurs. La société anglaise est suspectée d’avoir su, ensuite, en faire le meilleur usage, en dressant les profils politiques de ces internautes pour pouvoir influencer leur vote.
Ho, tu veux dire comme pendant la campagne présidentielle d'Oboma en 2008 ?! Ou celle de Sarkozy en 2005-2007 ?! Ou celle de Sarkozy lors de la primaire de la droite et du centre en 2016 ?! Ou celles de Mélenchon, Fillon, Trump, Macron ?! Collecte de données, notamment sur Facebook et Twitter et argumentaire préformaté en fonction des profiles. Voir : Marketing politique : Démocra-ciblée.
Il faut dire que Cambridge Analytica a de l’expérience en matière électorale. Récemment piégé en caméra cachée par un journaliste de Channel 4, son pédégé, Alexander Nix, expliquait que sa boîte pouvait, à l’occasion, « en- voyer des filles chez un candidat », « des Ukrainiennes », ou encore « proposer d’importantes sommes d’argent au candidat, pour financer sa campagne en échange de terrains, par exemple, et enregistrer toute la conversation… » avant de la balancer sur le Net.
Des méthodes qui réjouiront, à quelques milliers de kilomètres de là… le boulanger de Bourg-Lastic, dans le Puy-de-Dôme. Cet Auvergnat vient de gagner son procès — une première — contre Facebook. Motif : pour lui nuire, un pirate avait monté une page Web bidon en usurpant son identité et le nom de son commerce. La plaisanterie a duré des mois. Facebook a refusé de lever le petit doigt et de révéler, comme la justice vient de le lui ordonner, le nom du fraudeur.
Au nom de la protection de sa vie privée, sans doute.
Je vois beaucoup d'articles de presse traiter la question de l'éventuelle perte de confiance des utilisateur⋅rice⋅s Facebook envers leur réseau social, de la mort imminente de Facebook à cause de ce scandale, de son sauvetage par X ou Y, de son démantèlement par des politicien⋅ne⋅s au profit d'un Facebook européen (ouais, c'est bien connu qu'en UE on fait mieux que ces foutus yankee !), etc. Je trouve ça ridicule ! Oui, parce que c'est bien connu, Ikea a dû fermer après le scandale de l'origine du bois qu'elle utilise dans ses meubles, Lactalis a aussi dû mettre la clé sous la porte après le scandale du lait contaminé et la non publication de ses comptes, idem pour Microsoft, Apple et Google après des scandales d'abus de position dominante et d'obsolescence programmée, idem pour l'industrie agro-alimentaire après sa viande de cheval étiquetée bœuf et ses œufs arrosés au Fipronil, idem pour les constructeurs automobiles et la triche à la certification anti-pollution, etc., etc., etc. Ne rêvons pas : pour Facebook, comme pour les autres, ça sera business as usual, rien ne va changer, FB ne va pas disparaître, tout va bien se passer. Simplement parce que les utilisateur⋅rice⋅s s'en foutent, tout simplement. Lire cet épiphénomène avec notre grille de lecture d'anti-GAFAM, de pro-vie privée, tout ça, nous amène à raisonner différemment des utilisateur⋅rice⋅s de Facebook, ne l'oublions pas. Écoutons à quel point il⋅elle⋅s s'en fichent, à quel point il⋅elle⋅s veulent juste rester en contact avec leurs proches et s'amuser.
À ceux et celles qui pensent que le RGPD va tout changer : vous faîtes un joli rêve. La loi informatiques et libertés date de 1978 et n'est toujours pas appliquée par l'État et par les sociétés commerciales françaises qui exploitent des données personnelles en France (je ne parlerai même pas des sociétés étrangères et des multinationales). Même les principes de base, comme le consentement à la collecte ou le droit d'accès, ne sont pas appliqués. En 40 ans ! Alors le RGPD, d'une complexité folle, qui nécessite de revoir l'écrasante majorité des systèmes d'information existants afin d'implémenter la traçabilité interne et externe, lol, mdr, ptdr. Les régulateurs, comme la CNIL, seront toujours impuissants face aux États et face aux grandes multinationales. C'est mignon d'avoir augmenté les sanctions applicables, encore faut-il que les régulateurs aient les moyens (humains et financiers) pour enquêter. Et, demain, comme aujourd'hui, ils seront asphyxiés.
Les grand⋅e⋅s gagnant⋅e⋅s du RGPD, ce ne sont pas les citoyen⋅ne⋅s, ce sont les consultant⋅e⋅s RGPD qui, grassement payé⋅e⋅s, aideront les sociétés à faire semblant de progresser en matière de données personnelles, qui leur apprendront les nouvelles ficelles pour ne pas se faire gauler, les bonnes réponses à fournir aux pénibles qui poseront des questions en application de ce RGPD, etc. Comme les consultant⋅e⋅s en fiscalité, il ne s'agit pas d'aider les sociétés commerciales à entrer en conformité, mais à échapper à la loi.
L'optimisme ne devrait pas conduire à la naïveté !
Dans le Canard enchaîné du 21 mars 2018.