Une anomalie se niche au milieu des 93 pages consacrées, le 21 mars, par le Conseil constitutionnel à la réforme de la justice. Parmi les dispositions « contraires à la Constitution » que le Conseil a retoquées, la trop fameuse visioconférence.
La Chancellerie avait fait voter la suppression de l’accord des détenus pour comparaître par télé interposée devant un juge de la liberté et de la détention (JLD) chargé de prolonger - ou non - leur enfermement provisoire. Cet accord était jusque-là obligatoire, tant la « visio » pèche : technique défaillante, prises de vues parcellaires, éloignement entre le juge, le procureur, l’avocat et le prisonnier. Atteinte « excessive » aux droits de la défense, a donc jugé le Conseil. Eccellentes raisons à l’appui : « Eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant le magistrat (…) » et « en l’état des conditions dans lesquelles s’exerce le recours à ces moyens de télécommunication ».
Bravo pour ce respect des droits de l’homme et de la défense ! Sauf que, il y a quelques mois, le même Conseil avait décidé exactement l’inverse dans la loi Asile et Immigration… Pour les réfugiés exposant leurs malheurs devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et pour les sans-papiers en rétention, merci d’utiliser la visioconférence. Avec ou sans leur consentement. Et, là, plus question d’atteinte « excessive » aux droits de la défense, ni de l’« importance » d’une « présentation physique devant le magistrat ». Non, le « recours à ces moyens de télécommunication » est « conforme à la Constitution ».
Une contradiction incompréhensible. « Les situations sont strictement identiques », s’insurge Patrick Henriot, du Syndicat de la magistrature. Ce qui est mauvais pour les détenus serait donc bon pour les étrangers ?
Le Conseil constitutionnel devrait faire un petit tour à la CNDA, où la fronde des avocats bat son plein contre cette télé-justice.
Dans le Canard enchaîné du 27 mars 2019.