Les journalistes du monde peuvent désormais empêcher la prise de contrôle d'un actionnaire unique et ils peuvent s'opposer à l'arrivée d'un nouvel actionnaire… à condition d'en proposer un autre sous 6 mois (droit d'agrément). Mouais, c'pas fou-fou.
En 2018, Niel+Pigasse+Bergé+Prisa possédaient 72,5 % des actions du Monde. Elles sont logées dans une holding (Le Monde Libre) dont Bergé, Niel, Pigasse et Prisa détiennent des parts : 26.66 % pour Bergé, 26,66 % pour Niel, 26,66 % pour Pigasse et 20 % pour Prisa. En octobre 2018, Pigasse a cédé 49 % des parts de sa société qui, elle-même, détient 26,6 % des parts de LML à Kretinsky, un industriel tchèque qui veut investir dans les centrales à charbon françaises et dans Casino (d'où son intérêt pour les outils d'influence que sont Le Monde et Marianne), en garantissant de lui vendre les 51 % restants (source : le Canard enchaîné du 18/09/2019). Donc, actuellement, les parts sont ainsi réparties : 26,66 % pour Bergé, 26,66 % pour Niel, 26,66 % pour Pigasse+Kretinsky et 20 % pour Prisa.
Bergé étant décédé, ses parts dans LML devraient être réparties à égalité entre Pigasse et Niel… D'ici à 2021.
Pigasse aurait racheté les parts de Prisa. Il le dit, mais je trouve aucune autre source…
Niel et Pigasse sont co-gérants du Monde grâce à une commandite simple. Apparemment, être majoritaire en parts ne donne pas automatiquement droit à un co-contrôle, mais il y aurait des possibilités juridiques pour que Pigasse+Kretinsky fassent tomber la commandite (source : le Canard enchaîné du 18/09/2019), d'où Niel va probablement racheter 50 % des parts de Prisa : afin d'être le contrepoids de Kretinsky et que Le Monde ne passe pas sous pavillon tchèque. Cela va évidemment donner un statut de chevalier blanc à Niel et renforcer son influence…
Au final, on aurait donc : Niel = 50 % (26,66 % actuel + 13,33 % Bergé + 10 % Prisa) et Kretinsky+Pigasse = 50 %. Les rachats des parts de Bergé, de Prisa et des parts de la société de Pigasse par Kretinsky seront soumis au droit d'agrément
C'est incroyable le nombre de mensonges et de retournements de veste dans cette histoire. :O Pigasse écrit au pôle indépendance du Monde qu'il ne tentera plus d'opération capitalistique puis se lance dans l'achat des parts de Prisa (voir ci-desous). Pigasse signe une version différente du droit d'agrément que celle paraphée par Niel,
Bref, l'actionnariat du Monde est toujours aussi opaque pour le citoyen qui essaye d'en savoir plus sur ses journaux afin de leur octroyer sa confiance… Dommage.
Au printemps, un cheikh conseillé par Rothschild voulait racheter les parts de Prisa.
Tout « Le Monde » il est beau, tout « Le Monde » il est gentil ! Xavier Niel et Matthieu Pigasse. qui ne s’étaient pas vus depuis un an et demi, ont mis en scène une magnifique réconciliation. Les premières embrassades ont eu lieu lundi soir : les coactionnaires ont rencontré le pôle d’indépendance pour signer le droit d’agrément qui permet aux journalistes de s’opposer à l’arrivée d’un nouvel actionnaire et de disposer de six mois pour en trouver un autre.
Tchèque barré
Les confrères ont aussi obtenu un second droit de veto pour bloquer toute prise de contrôle d’un actionnaire unique. Pigasse, lui, a désormais la garantie de vendre à bon prix s’il claque la porte un jour. Quant à Niel, il a trois mois pour allonger 7,5 millions d’euros et racheter la moitié des 20 % de l’espagnol Prisa, ce qui le mettrait à l’abri d’une OPA désagréable de Pigasse et de son nouvel ami Daniel Kretinsky (« Le Canard », 18/09). Mardi 24, les deux patrons du « Monde » ont même posé pour une belle photo dans « Le Figaro » et ont expliqué qu’ils allaient étudier la possibilité de sanctuariser « Le Monde » dans une fondation. Sortez les mouchoirs !
Ce bel épilogue laisse, pour un temps, le Tchèque Kretinsky sur la bande d’arrêt d’urgence. Et il devrait mettre « Le Monde » à l’abri des convoitises les plus originales. Car, il y a six mois, les parts du vendeur Prisa avaient déjà failli passer sous pavillon… qatari, un gage de liberté de la presse !
A l’époque, Niel avait refusé catégoriquement d’aligner 15 millions : trop cher pour ce grand économe. L’éditeur du quotidien « El Pais » s’est alors tourné vers sa banque conseil — la maison Rothschild, ancien employeur d’un certain Emmanuel Macron.
L’esprit d’escalier
Les banquiers ont trouvé la solution : vendre les 20 % de Prisa au businessman qatari Khalid bin Thani Abdullah AlThani, président de la Qatar International Islamic Bank, ci-devant propriétaire d’une parcelle de Prisa (6,63 %). Mais, tel Zorro, le tandem Pigasse-Kretinsky lui a coupé l’herbe sous le pied. Chez Rothschild, les associés contactés par « Le Canard », un brin gênés, reconnaissent les faits.
Cet épisode en rappelle un autre, tout aussi insolite. En 2010, « Le Monde » se trouvait au bord de la faillite. Macron, qui pantouflait chez Rothschild, avait gracieusement offert ses services aux journalistes. L’idée était de leur trouver des investisseurs pérennes susceptibles de préserver leur indépendance. Le 3 septembre 2010, Gilles Van Kote et Adrien de Tricornot, de la société des rédacteurs du « Monde », ont surpris Macron, « ce traître », sortant du bureau de l’homme d’affaires Alain Minc. Ils ont compris que le jeune associé de Rothschild roulait en sous-main pour Minc, et pour… Prisa, que ce dernier conseillait !
Adrien de Tricornot a décrit avec drôlerie (StreetPress, 10/2/17) sa course-poursuite dans les escaliers avec le banquier… et futur chef de l’Etat. Neuf ans plus tard, cette scène digne de Marivaux éclaire d’un jour nouveau les querelles de pouvoir entre Nie1, devenu très proche de Macron, et Pigasse, qui, à l’époque, rêvait lui aussi de prendre l’Elysée sans passer par la case PS.
Un authentique thriller…
Dans le Canard enchaîné du 25 septembre 2019.