Début 2017 (oui, je n'ai pas pris le temps d'écrire ce shaarli plus tôt…), je me suis fait la réflexion que la non-mixité voulue est en fait le prolongement de l'intimité : d'abord seul penseur, puis plusieurs puis publication des revendications politiques puis naissance d'un combat politique.
L'intimité, c'est la capacité d'être libre, seul ou à plusieurs c'est-à-dire d'expérimenter sans risque, sans se faire juger ou se faire juger par des gens qui partagent un vécu, des idées, un continuum, qui ne sont pas si différents que ça, etc. Nous concevons la vie privée comme relative à un cercle d'individus, donc la question n'est pas de savoir si j'ai des choses à cacher, mais ce que je souhaite cacher à qui. Dans cette conception, un groupe non-mixte se défini comme un cercle d'individus qui a quelque chose à cacher auprès d'un autre cercle d'individus.
Or, c'est toujours dans l'intimité que se déroule la réflexion nécessaire à un combat politique (résumé d'un bout des travaux d'Habermas). C'est dans l'espace privé que se tiennent les conversations politiques, car c'est là que l'on peut réfléchir le monde parce qu'on n'est pas dedans. Être en public ou en compagnie des mêmes personnes en permanence empêche la formation d'idées en désaccord avec celles du groupe d'appartenance (la famille et les potes-amis à l'école sont des stérilisateurs de la pensée). Tout combat politique commence dans l'intimité (ce que certains nomment improprement « clandestinité »), car toute formation d'une pensée dissidente commence là. Comme je l'ai écrit au paragraphe précédent, l'intimité, c'est être seul ou à plusieurs, donc un groupe d'intimes peut réfléchir le monde et préparer un combat politique.
Une non-mixité voulue temporaire permet de réfléchir le monde, d'apporter des idées nouvelles, d'apporter de nouvelles manières de militer par le partage d'une intimité entre les membres des réunions non-mixte. C'est comme réfléchir tout seul, avec les mêmes avantages (aucun risque d'être incompris, violenté ou humilié), mais à plusieurs, ce qui permet d'augmenter la qualité de la réflexion. Cette non-mixité voulue me semble être nécessaire pour initier une nouveau combat politique ou pour apporter des idées nouvelles potentiellement radicalement non conforme avec la pensée majoritaire du moment.
Il me semble qu'il existera toujours des réunions non-mixte sur toute thématique. Si nous refusons ou lynchons médiatiquement celles qui font œuvre de transparence, il ne restera que des réunions clandestines, mais ces réunions auront lieu, c'est une certitude. Un collectif qui avance à découvert ("nous nous réunissons de manière non-mixte", "nous sommes environ XX personnes", "voici nos revendications politiques et les manières dont nous allons les défendre") me paraît plus sain pour la qualité d'un débat de société.
Je conserve mon avis négatif à l'encontre des réunions non-mixtes permanentes et des réunions non-mixtes tenues dans l'espace public, car, avec ces modes de fonctionnement, il me semble que nous virons au communautarisme, un peu comme les quartiers ethniques de Londres dans lesquels les étrangers sont tolérés de justesse et regardés de travers, ce qui n'est ni une action politique, ni une action ponctuelle, mais l'expression permanente d'un rejet légitime basé sur un profond malaise / problème qu'on a laissé prospérer.