Je me suis longtemps demandé pour quelles raisons un⋅e humain⋅e recherche la compagnie constante d'autres humain⋅e⋅s : ami⋅e, colocation, vie de couple, vie de famille, etc. Je me suis longtemps interrogé sur la pertinence d'une vie en couple s'entendant comme vivre ensemble toutes nos heures hors du travail alors que la survie de l'espèce et le plaisir sexuel n'imposent pas un tel mode de vie.
Pourquoi, alors ? Une des réponses me semble être que la vie, c'est ennuyeux. Nous cherchons à noyer l'ennui en faisant des choses. Des choses inutiles, mais l'important est de faire, afin de passer le temps, car l'humain⋅e est peut-être la seule espèce animale consciente du temps qui passe et la seule qui mesure cet écoulement. Faire des choses suppose d'être moteur. Or, un⋅e humain⋅e normalement constituée ne peut pas être moteur en permanence, il⋅elle n'est pas fait pour ça, son cerveau est une machine qui crée et maintient des habitudes. Du coup, il faut que la lutte contre l'ennui lui soit extérieure et qu'elle se propage à lui⋅elle via des interactions sociales.
Une vie de couple, d'autant plus une dans laquelle l'on vit l'un sur l'autre en permanence tous les jours en dehors du taff, nécessite de mettre d'accord deux personnes qui ont des envies et des volontés divergentes sur tout un tas de choses, d'où beaucoup sont futiles (mais ce n'est pas la question). Ça génère forcément des discussions, des disputes, des désaccords, des compromis. Bref, ça occupe.
Quand on a maîtrisé ça, que l'on a trouvé un ensemble de méthodes rodées pour résoudre les différends, l'ennui revient. Il est l'heure d'introduire un nouveau générateur d'aléatoire : un enfant. La grossesse, la préparation de sa venue puis la gestion de ses nuits puis la maternelle puis la fameuse adolescence, puis… tout ça va entraîner de profonds changements et déséquilibres que le couple va devoir apprendre à gérer. Bref, ça occupe.
Quand le couple sera rodé, il sera temps de changer de partenaire, histoire de recommencer la recherche de méthodes pour vivre à plusieurs étant entendu qu'il n'y a pas de méthode universelle, ou de vivre ses vieux jours avec un animal de compagnie. Jeune, de préférence, afin qu'il pisse partout, qu'il casse des objets, bref qu'il génère de l'anti-ennui. Bien entendu, il n'est pas nécessaire de vivre en couple pour vivre avec un animal de compagnie, on peut aussi avoir envie d'y avoir recours dans la lutte contre l'ennui quand on est seul⋅e.
Le raisonnement est similaire pour les ami⋅e⋅s et la colocation : il faut mettre d'accord plusieurs volontés divergentes, ça prend du temps, de l'énergie, ça crée des sentiments, qu'il faut gérer et comprendre, etc. Bref, ça aide à passer le temps.
À mon avis, ce que certain⋅e⋅s nomment « l'économie du changement » s'inscrit dans ce cadre-là : occuper les gens. C'est le lit des bullshit jobs, mais, au fond, ce n'est qu'un prolongement de la tristesse de nos vies, tristesse qui existe de base à l'état de nature. L'économie du changement, c'est, entre autres :
Prolongement de ce shaarli : L’humanité a-t-elle trouvé le sens de la vie ?