L’affaire n'a pas fait grand bruit au-delà du port de la Goulette, mais près de 2 000 personnes — des femmes, en grande majorité — ont défilé, le 10 mars à Tunis, pour réclamer l’égalité des sexes en matière d’héritage. Comme dans d’autres pays musulmans, la femme tunisienne n’a droit, en effet, qu’à une demi-part successorale. « Au garçon, la part de deux filles », commande ainsi le Coran. Une disposition « sacrée » que la Commission des libertés individuelles et de l’égalité, en Tunisie, pourrait remettre en question.
Ce séisme législatif est dénoncé comme une hérésie par les conservateurs et pourrait, ainsi que l’écrit le journaliste et écrivain algérien Kamel Daoud, constituer « la plus grosse révolution juridique dans le monde dit arabe depuis des siècles » (« Le Point », 19/04. Car, comme le rappelle le vice-président du Conseil français du culte musulman, « les versets du Coran, révélation divine, s’ils peuvent être interprétés, ne peuvent être abrogés » (« Le Monde », 24/4). Et sont donc défendus par des traditionalistes qui jongleht entre legs testamentaire (« wasyya »), héritage transmis par la loi (« warth ») et donation de son vivant (« atyya ») pour dire que l’héritage coranique est égalitaire, car l’homme a payé la dot et prend en charge le foyer.
En juin, la Commission des libertés individuelles et de l’égalité dira si oui ou non une famille tunisienne peut équitablement répartir son héritage entre filles et fils. Comme l’écrit Daoud, il s’agirait alors de « sortir le Coran du législatif pour le reléguer à l’intime ».
Et de célébrer un vrai printemps arabe…
Dans le Canard enchaîné du 25 avril 2018.