Une flopée de permis de recherche et d’extraction ont été accordés aux industriels ou prolongés.
Le pétrole, les énergies carbonées ? Du passé, tout ça ! Le gouvernement, qui se prépare à inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution, ne cesse de le marteler. Notamment depuis la loi Hulot du 30 décembre 2017, censée mettre un terme à la prospection et à l’extraction des hydrocarbures en France. Sauf que… une grande partie de celles-ci va perdurer, parfois jusqu’en 2040 !
La France a beau ne produire que 1% du pétrole nécessaire à sa consommation, le contre-pied est embarrassant… Le 8 décembre puis le 2 février dernier, ce même gouvernement a, en toute discrétion, et via une flopée d’arrêtés et de décrets, octroyé une vingtaine de permis de recherche (et, parfois, d’exploitation de puits de pétrole) sur le territoire français, en Seine-et-Marne, en Moselle, en Gironde, dans l’Aube, le Loiret ou les Landes.
Prétentions en or (noir)
Raison officielle ? Eviter que les actuels détenteurs de permis — des compagnies parfois puissantes — lui intentent de coûteux procès. Nicolas Hulot l’avait annoncé dès le 23 juin sur BFMTV : « Si je reviens là-dessus, on aura des contentieux et des astreintes excessivement lourdes. Croyez—moi, le budget de la France n’en a pas besoin. »
La question des dédommagements fait pourtant débat. Les avocats des sociétés pétrolières menaçaient, en cas d’arrêt de leurs concessions, de réclamer des sommes liées au manque à gagner sur plusieurs décennies. En clair : des dizaines, voire des centaines, de millions d’euros. Les défenseurs de l’environnement rétorquent que l’indemnisation ne doit concerner que les dépenses déjà engagées.
Et de citer l’exemple de la société Schuepbach, renvoyée en décembre dans ses buts par la cour administrative d’appel de Versailles. La firme contestait l’annulation de deux permis de recherche de gaz de schiste, dans l’Aveyron et en Ardèche, par la méthode de fracturation hydraulique, interdite en 2011. Elle a d’abord réclamé 1,2 milliard d’euros, puis 117 millions. La cour s’est contentée d’accepter le remboursement des dépenses, dont 1,6 million authentifié.
Si les médias nationaux n’ont pas semblé noter que l’Etat autorisait d’une main ce qu’il bannissait de l’autre, plusieurs journaux régionaux ont souligné la contradiction. « Sud Ouest » (9/1), par exem- ple, décrit la fronde des élus locaux — Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine, en tête — pour conserver l’industrie de l’or noir. Importer cette matière première, plaident-ils, pollue encore plus que la produire sur place. Si c’est pour le bien de notre environnement…
Silence, on creuse
La société canadienne Vermilion, qui extrait les trois quarts du pétrole hexagonal, a exercé un puissant lobbying et a obtenu trois prolongations de permis en Ile-de-France et en Gironde. Tout comme d’autres opérateurs pétroliers, français, australien et même russe. Mais leur plus beau coup est sous-marin. Conséquence de la loi d’orientation pour l’outre-mer (décembre 2000) : ces messieurs auront le droit, dit le décret du 2 février — et sous réserve d’accord de la collectivité territoriale —, d’exploiter leurs concessions (pétrole et gaz) en mer. C’est-a-dire au large de la Martinique, de la Guadeloupe, de La Réunion, de Mayotte et de la Guyane — un département qui pourrait, se prend à rêver Total, receler des gisements dignes de la mer du Nord.
Le dossier du pétrole français ne serait pas qu’une histoire de fioul sentimental…
Dans le Canard enchaîné du 7 mars 2018.