L'extrême-droite progresse dans les élections régionales allemandes. Dans le parlement du land de Sarre, l'AfD obtient 38 députés contre 45 pour la CDU (elle en avait obtenu 14 en 2014). Dans le Brandebourg, elle obtient 23 sièges contre 25 pour le SPD (11 en 2014). Jusque-là, tout va bien. Jusque-là, tout va bien. Jusque-là…
Quelle baffe pour Angela Merkel ! La Chancelière, venue de l’Est, doit s’en mordre chaque jour les doigts. Dans un élan de générosité « Mutti » (maman) avait lancé, le 31 août : « Wir schaffen das » (nous y arriverons), sous-entendu à intégrer les migrants affluant sur le sol allemand. Les citoyens de l’ex-RDA, le pays disparu d’Angela, lui ont répondu trois fois « nein ». Le 1er septembre, les électeurs des Länder de Saxe et du Brandebourg ont voté à 27 % et à 23 % pour l’AfD (Alternative pour l’Allemagne). Deux ans plus tôt, le parti anti-euro, devenu parti anti-migrants, avait déjà expédié 93 députés au Bundestag avec un score de 12,6 %. Une première depuis 1933…
La chrétienne-démocrate, qui dirige le pays depuis quatorze ans, n’a pas réussi à endiguer cette vague brune, malgré une situation économique florissante et un taux de chômage au plus bas. Le ressentiment des « Ossis » (Allemands de l’Est) à l’égard de celle qu’ils considèrent comme une « traîtresse » a toujours été palpable, y compris dans la ville où elle a grandi, Templin, au nord de Berlin.
Cet argument est à double tranchant. D'un côté, le chômage est bas en Allemagne à cause des contrats courts et jetables qui précarisent les gens. Les chiffres étant maquillés, le taux de chômage n'est pas un indicateur fiable. Donc, oui, situation économique florissante, mais à quel prix et avec quel bonheur ? De l'autre, oui, les électeurs de l'extrême-droite sont essentiellement des personnes qui ont peur de perdre leur niveau de vie actuel, donc qui se replient sur elles. Des blessées de la croissance économique et de la régression de la solidarité, en somme.
L’heure de vérité approche. Si les chrétiens-démocrates n’en sont pas encore à réclamer son départ, les sociaux-démocrates, eux, pourraient faire chuter le quatrième gouvernement Merkel. Le SPD, partenaire de coalition de la Chancelière, doit élire une nouvelle présidence. Les résultats de ce vote seront connus le 26 octobre, veille des élections régionales en Thuringe, un autre Land de l’Est, où le score de l’AfD est d’ores et déjà acquis.
Pour remonter le moral de son amie Angela, à qui la ville de Leipzig a décerné un diplôme honoris causa, Christine Lagarde a loué son « sens du devoir » (le « JDD », 1/9). Réponse de la Chancelière : « Je ne savais pas que cet éloge funèbre serait précédé d’un processus d’évaluation scientifique. »
Même à l’agonie, la dame de Berlin ne perd pas le sens de l’humour…
Dans le Canard enchaîné du 4 septembre 2019.