Quand elle ovule, la femelle hippocampe cherche un mâle dans la poche ventrale duquel elle va injecter ses nombreux ovocytes qui seront fécondés par un ruissellement de sperme dans l'eau de mer de la poche. C'est une fécondation interne, mais dans l'eau de mer, et un transfert de grossesse à un père porteur dont le bide enfle tandis que celui de la nana se vide. Après le développement des œufs en petits hippocampes, le mâle accouche douloureusement jusqu'à 2500 bébés, et s'écroule après ! Quand on pense que certains râlent parce qu'ils ont des jumeux et que d'autres trouvent que les PMA, c'est pas naturel…
Chez d'autres poissons, comme les épinoches et les combattants, le père chasse la femelle du nid après la fécondation, sinon elle mange les œufs. Il s'occupe ensuite des œufs et des jeunes sans manger, avec dévouement, jusqu'à ce qu'ils nagent de leurs propres nageoires. Il y a aussi des animaux qui élèvent leur jeunes en couples temporaires, rarement permanents. Mais chez la plupart, les pères ignorent leur descendance et souvent s'en régalent, à l'état d'œufs ou de jeunes. Bref, la nature c'est pas la manif pour tous ! Celle-ci n'est pas non plus le modèle social courant chez les primates, humains ou non.
Chez la plupart des singes, l'identité du père est inconnue et le petit n'a aucun moyen d'identifier son ascendance. Selon les espèces, les mâles s'occupent volontiers, ou pas du tout, des jeunes de la troupe. Les patas, gorilles et bonobos pratiquent une paternité sociale collective. Tandis que chez les orangs-outans, c'est père inconnu et chez les gibbons, un papa, une maman, un enfant. Comme nos derniers ancêtres communs sont les chimpanzés, les bonobos et les gorilles, nos structures sociales, très diversifiées, dérivent de celles de ces ancêtres communs. Il n'est donc gère étonnant que bien des sociétés humaines pratiques des paternités sociales, collectives ou non, indifférentes à la paternité biologique. D'autres ont des familles monoparentales, et la tendance au machisme est quasi générale ! Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas lutter contre, mais que ce sera difficile… Et puis, on ferait bien aussi de s'inspirer de ces sociétés où les seuls pères reconnus sont ceux qui s'occupent, seuls ou à plusieurs, des gamins, et non ceux que la recherche technologiques de paternité traque, parfois jusqu'à l'absurde.
Dans le Siné mensuel de novembre 2018.