La Quadrature du Net a choisi de publier l'état de ses réflexions sur le délit d'entrave numérique à l'interruption volontaire de grossesse, dont la discussion législative est prévue à l'Assemblée nationale à partir du jeudi 1er décembre 2016. Sur ce dossier complexe où interfèrent plusieurs droits fondamentaux, il est important de prendre le temps de mesurer l'impact d'une création d'un nouveau délit tel que proposé par le gouvernement et les parlementaires de la majorité présidentielle.
La question de l'entrave numérique à l'interruption volontaire de grossesse s'est posée suite au constat de l'existence de sites Internet, très bien référencés dans les moteurs de recherche, qui sont dès lors une source d'information pour les personnes cherchant à se renseigner sur l'IVG ou sur la conduite à tenir lors d'une grossesse non désirée. Ces sites se donnent pour but de freiner le recours à l'IVG chez les femmes qui cherchent de l'information. Leur apparence, leur discours, sont dénoncés comme trompeurs.
La Quadrature du Net tient à rappeler que le droit à l'interruption volontaire de grossesse est l'une des composantes d'un droit fondamental, le droit au respect de la vie privée et familiale. En tant qu'organisation de défense des droits humains et de leur exercice effectif, La Quadrature du Net condamne toute action visant délibérément à entraver l'exercice de ce droit.
Cela étant rappelé, l'opposition idéologique au droit à l'IVG n'est pas un délit en France, et comme toute opinion non délictueuse elle est protégée par le droit à la liberté d'opinion, d'expression et d'information.
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Cette proposition de loi peut être découpée en deux parties distinctes.
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La notion de pression psychologique sur les femmes et leur entourage devrait être interprétée strictement, c'est-à-dire par « communication directe adressée aux femmes ou leur entourage pour faire pression sur elles de façon à les dissuader de recourir à l'avortement ». La volonté d'y inclure ce qui relève de la mise à disposition de contenus sur Internet dont l'accès est volontaire de la part de l'utilisateur risque de rendre la notion de pression psychologique bien trop extensible et, appliquée éventuellement dans l'avenir à d'autres opinions, de devenir une source de dérives importante.
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L'inclusion de la simple publication de contenus dans le délit d'entrave numérique créerait un précédent d'atteinte à la liberté d'opinion et d'expression inacceptable. Le fait que la visibilité de ces contenus soit excessive ne peut être corrigé par la création d'un délit, mais relève de la mobilisation positive sur Internet en faveur des droits, ou de la lutte contre la position dominante de moteurs de recherche et la façon dont ils en abusent. La création d'un délit pour mise à disposition de contenus, fussent-ils douteux, écoeurants ou opposés à la liberté de choix des personnes, porte indiscutablement atteinte à la liberté d'expression. Or, cette dernière n'est pas faite uniquement pour ceux avec qui nous sommes d'accord.
[...] Il serait souhaitable que les politiques publiques et les structures travaillant avec les personnes ayant recours à l'IVG se tournent davantage vers les méthodes employées par les sites qui sont visés par cette proposition de loi et travaillent à une mobilisation plus intense sur l'espace numérique, plus adaptée aux méthodes de référencement actuelles, plus tournée vers les pratiques réelles d'information du public concerné, plutôt que de créer un nouveau délit porteur dans son fondement de problèmes juridiques et d'atteinte aux droits très lourds.