Sur #arn, on discutait de pourquoi c'était la dernière lecture du projet de loi Travail dans quelques heures à l'Assemblée. Sous-entendu que ça ne ressemble ni à la procédure accélérée, ni à la procédure normale. Regardons ça ensemble.
Ce texte est en procédure accélérée. Donc c'est une lecture par chambre, commission paritaire (CMP) puis éventuellement vote du texte issu de la CMP.
La première lecture a eu lieu en mai à l'Assemblée. 49.3 du gouvernement. Elle a eu lieu le 28 juin au Sénat. La CMP n'a produit aucun texte en considérant qu'elle ne pourrait pas parvenir à un compromis susceptible d'être voté en l'état par les deux chambres. Et c'est vrai, les deux visions AN/Sénat (qui joue à fond le clivage droite/gauche, faut pas se voiler la face) sont difficilement conciliables.
Que se passe-t-il dans le cas où la CMP ne produit aucun texte ou que celui-ci n'est pas voté par les deux chambres ? Le gouvernement peut donner le dernier mot à l'Assemblée (ou laisser tomber le texte). Dans ce cas on refait un tour de table, une lecture par chambre. Si y'a un accord bah c'est cool, sinon on refait un 3e tour de table mais le Sénat ne peut pas jouer (d'où le dernier mot va à l'Assemblée :D ).
La deuxième lecture à l'Assemblée a eu lieu en juillet. 49.3 du gouvernement le 6 juillet. Le Sénat a rejeté le texte, sans en débattre, le 20 juillet.
Donc l'Assemblée est légitime à examiner le texte lors d'une lecture définitive. Ce qui sera fait aujourd'hui, 20 juillet.
La commission saisie sur le fond peut décider de travailler sur le texte issu de la CMP s'il y en a un ou sur le texte qu'elle a adopté en deuxième lecture. On l'a vu, il n'y a pas de texte de CMP. Donc on reprend le texte de la deuxième lecture à l'Assemblée, c'est-à-dire le texte du gouvernement puisqu'il y a eu 49.3 et absence de 49.2.
Dans ce cas-là, l'Assemblée peut seulement ajouter des amendements parmi ceux adoptés par le Sénat lors de la deuxième lecture. Le Sénat a choisi de rejeter le texte avant la lecture. Aucun amendement n'a été adopté.
Donc l'Assemblée n'examinera aucun amendement.
Oui. Hé oui, ça signifie bien que ce n'est pas l'Assemblée qui aura le dernier mot mais le gouvernement. Sauf si une motion de censure (49.2) est votée, ce qui n'arrivera pas. Je rappelle que sous la 5e République, aucune des 51 mentions de censure déposées suite à un 49.3 n'a été votée. Car les parlementaires veulent l'investiture aux prochaines élections, faut pas charrier. Et personne ne fait monter en grade un-e jusquauboutiste qui est prêt-e à renverser un gouvernement pour un tout petit projet de loi (c'est bien comme ça que c'est vu par nos politocards).
Et une seule motion de censure spontanée (toujours 49.2 mais pas sur un texte précis) a été votée, en 1962. Mais le gagnant de la rixe a été De Gaulle : 49.2 -> le gouvernement est renversé -> il renomme Pompidou premier ministre comme si de rien n'était (avec certes quelques ministres différents) -> De Gaulle dissout l'Assemblée comme "punition" et se retrouve avec une écrasante majorité présidentielle à l'Assemblée (il n'avait qu'une majorité relative).
Je rappelle aussi que l'essence même de la 5e République, c'est un exécutif fort. C'est par conception, ça a été voulu, c'est dans l'ADN même. Ça a même un nom : rationalisation du parlementarisme. L'idée même est d'éviter les instabilités politiques de la 3e et de la 4e République.