Nous sommes donc partis pour un état d'urgence prolongé encore une fois jusqu'à novembre 2017 et un énième projet de loi soi-disant anti-terroriste (ça n'en fait que 20-25 depuis 30 ans) mais qui vise en réalité beaucoup plus large (tout ce qui est susceptible de porter à l'ordre public selon des ministres, en gros).
Dans ce projet de loi, je vois une société qui se crispe, dans laquelle la tension sociale de fond augmente et le régime devient de plus en plus autoritaire, mais de manière douce afin d'habituer doucement les gens. Si je devais faire un résumé de ce projet de loi : l'État sans juge viole ton espace privé (domicile, voiture, identité numérique), t'assigne dans un lieu donné, restreint ta circulation dans l'espace public, te flique quand tu circules, punit une démarche intellectuelle d'information, etc.
La prolongation de l'état d'urgence sera très probablement adoptée par les deux chambres du Parlement dès demain. Le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » est en discussion au Sénat jusqu'au 19 juillet après quoi il sera examiné par l'Assemblée.
Que trouve-t-on dans cette nouvelle ignominie législative ?
- Perquisitions (sauf les professions protégées comme les parlementaires, pas folle la guêpe) incrustées pour de bon dans le droit commun ;
- Assignation à résidence, interdiction de séjour dans un périmètre défini (afin d'empêcher d'assister à des manifestations, en gros), filtrage des accès à des portions de l'espace public jugées sensibles (manifestations, en gros ;) ), persévérance dans le flicage des transports aériens et maritimes (via le PNR) ;
- Possibilité d'obliger une personne interdite de séjour dans un périmètre donné à fournir tous ses identifiants numériques (pas les mots de passe) ;
- Frontières qui se crispent encore plus avec des bandeaux de filtrage de plusieurs kilomètres ;
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Évidemment, tout cela sans contrôle du juge judiciaire qui selon notre Constitution est le seul à pouvoir retirer des libertés ;
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Évidemment, tout cela est ordonné au moindre soupçon, car les preuves, c'est has-been. Quels genres de soupçons ?
- Atteinte à l'ordre public selon l'échelle d'un⋅e ministre-girouette ou d'un⋅e préfet, des raisons de penser qu'il pourrait y avoir atteinte ;
- Adhérer aux thèses qui font l'apologie du terrorisme… Je ne sais pas si tu vois la cascade : qu'est-ce qu'une adhésion ? Qu'elle est la véracité d'une thèse ? Qu'est-ce que l'apologie, est-ce condamnable en soi ? On est toujours dans la logique de punir la démarche intellectuelle visant à s'informer. Logique que le Conseil constitutionnel avait salué en déclarant inconstitutionnel le délit de consultation habituelle de sites faisant l'apologie du terrorisme (premier du nom). Mais l'ignorance, c'est la force ;
- Interdiction d'entrer en contact avec des personnes suspectées.
- Correction suite à la censure constitutionnelle de la surveillance des communications hertzienne sans borne obtenue par les exégètes amateurs : surveillance, par les services de renseignement, des réseaux sans-fil totalement privés (sans opérateurs, restreint à un groupe défini d'utilisateurs) sous le régime de la loi Renseignement et surveillance, par les militaires, des réseaux sans-fil sous un régime abusif similaire à celui appliqué aux communications internationales.
Pour plus de détails, je recommande la lecture de l'analyse du pré-projet de loi par le Syndicat de la Magistrature.
Bref, Macron, c'est que du « changement, c'est maintenant » et du bonheur. :(