L'étude a échautfé les esprits. Selon plusieurs chercheurs en agronomie et en botanique, l'augmentation du CO2 dans l’atmosphère à cause du réchauffement climatique va abaisser la qualité nutritive du riz, la céréale la plus cultivée du monde. Et pas qu'un peu. D'ici à la fin du siècle, 8 % des minéraux comme le fer se seront tait la malle, 10 % des protéines et iusqu'à 30 % des vitamines B (« Science Advances », 23/5). Vous vous dites que c’est fâcheux, mais que d'ici cent ans on a le temps de voir venir.
Sauf que, déjà, certains fruits et légumes poussent dans cette atmosphère saturée en CO2 qu'on subira d'ici une centaine années. Prenez la tomate de table. Sur les 600 000 tonnes produites tous les ans dans l’Hexagone, 10 % poussent en plein champ, les pieds dans la terre. Le reste est cultivé sur un substrat nutritif, alimenté au goutte-à-goutte, dans des serres chauffées quasiment toutes enrichies en C02.
Le dioxyde de carbone est en effet un puissant fertilisant, qui, vaporisé dans la serre, fait grossir de 30 % les rendements. Plus la plante capte de CO2, plus elle transforme efficacement l'énergie du soleil en matières organiques. D'où l’usage de l’éclairage artifificiel, a condition de ne pas dépasser 18 heures d'affilée : si le légume n'a pas ses 4 heures d’obscurité, elle s’épuise, c'est le burn-out. La où une tomate de plein champ donne des fruits quatre mois de l'année, au rythme d’une récolte hebdomadaire la « carbonée » se cueille deux fois par semaine, 11 mois sur 12, et elle est plus grosse !
Tout cela fait le bonheur des marchands de C02. Rien qu'en France un millier d'hectares de serres, abritant surtout des tomates, mais aussi des concombres, des poivrons et des aubergines, sont enrichis en dioxyde de carbone, et ce à des niveaux de deux à trois fois plus élevés que dans l’air ambiant actuel. Le précieux gaz, vendu liquéfié par des sociétés comme Air liquide, se négocie environ 100 euros la tonne. Sinon, dès qu'ils le peuvent, les maraîchers injectent le CO2 récupéré dans les fumées de la chaudière qui chauffe leur serre.
Selon les rares études sur le suiet, les fruits et légumes « carbonés » contiennent moins de nutriments avec plus de sucres et de flotte. Quid des conséquences pour la santé ? L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation a promis d'étudier la question. En attendant, pour la tomate, ça gaze !
Dans le Canard enchaîné du 6 juin 2018.