L'intérieur surveille le phénomène avec attention. Faute d’argent public, un nombre croissant de collectivités territoriales sollicitent des boîtes privées pour financer des projets et allouer des subventions. Depuis 2008, la loi autorise ce « mécénat d’entreprise ». Une étude menée en 2016 par l’association Régions de France établit que plus d’un quart des entreprises donatrices — 170 000 participent régulièrement — soutiennent des structures publiques. « Sur le papier, ces pratiques sont permises, même encouragées, fait remarquer un préfet. Mais l’attribution de ces fonds et leur utilisation peuvent paraître pernicieuses. Et parfois s’apparenter à du clientèlisme. »
Dons en béton
Surtout lorsque les boîtes mécènes sont aussi candidates à l’obtention de marchés publics. Ou, mieux, quand elles en sont bénéficiaires. Ainsi à Montreuil, en Seine-Saint-Denis : selon le premier rapport d’activité — le seul disponible à ce jour — du fonds de dotation Montreuil solidaire, le capital, qui dépasse le demi-million d’euros, a été apporté par 23 donateurs.
Parmi les mécènes figurent Bouygues Immobilier, Eiffage, Veolia, la Cogedim, Spie Batignolles ou encore Kaufman & Broad. Rien que des boîtes désintéressées… D’autant que chaque don ouvre le droit à une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés égale à 60 % du montant total — dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires.
Pour son premier exercice fiscal, le conseil d’administration de Montreuil solidaire — où siègent deux élus, dont le maire, et quatre représentants de la société civile — a décidé de subventionner, entre autres, un meeting d’athlétisme et l’aménagement d’une promenade urbaine imaginée… par la mairie. « Cette forme de subventionnement pourrait s’assimiler à un financement politique par des entreprises privées », totalement probibé, prévient un magistrat de la Cour des comptes. Mais que va-t-il chercher là ?
Dans le Canard enchaîné du 10 avril 2019.